Friday, February 22, 2008

«LA GENERALA» D'EMILIO SAGI: UNE "REINE DE LA NUIT" ESPAGNOLE


La zarzuela est pour l'Espagne ce que l'opérette est pour la France. Et si les grandes maisons d'opéra trouvent le genre mineur en comparaison au «grand opéra», c'est un genre à part entière, plus populaire, plus léger, et qui peut être une bonne initiation à ceux qui sont un peux réticents au grand art lyrique. Si l'opérette a atteint un statut international, la zarzuela reste, pour le moment, très Espagnole, avec peu d'incursions au delà des Pyrénées.
En allant, le 15 février 2008, assister à la première d'une nouvelle production de «La Generala» d'Amadeo Vives (grand compositeur Espagnol, qui mérite la reconnaissance internationale), nous nous sommes trouvés devant l'évidence que ce moment de «l'internationalisation» de la zarzuela n'est pas loin.
Emilio Sagi, metteur en scène Espagnol (avec une carrière internationale bien reconnue par le millieu lyrique, et actuellement le directeur artistique du Teatro Arriaga de Bilbao), s'est démontré non seulement un spécialiste du genre, mais un génie de créativité au meilleur de sa forme.
L'attente était énorme sur ce retour du créateur au Teatro de la Zarzuela de Madrid, maison qu'il a dirigé pendant dix ans, et le succès ne s'est pas fait attendre.
«La Generala» est per se une composition musicale de grande beauté, mais le libretto de Guillermo Perrín et de Miguel de Palacios, malgré une qualité littéraire assurée, peut laisser place à une mise en scène sans grand relief. Emilio Sagi a su en tirer un hymne à la vie et à l'Amour!
Le metteur en scène est aussi l'adaptateur de l'oeuvre, en rajoutant des textes qui donnent à «La Generala» de la fluidité et de la contemporaineité (chose qui manque presque toujours aux mises en scène des opérettes données en France, qui sont souvent le “cadeau de Noël pour les grands-mères” qui nous font les Grands Théâtres Lyriques).
«La Generala» d'Emilio Sagi est brillante (dans tous les senses du mot), généreuse, sensible, joyeuse et amusante, dans une action qui développe en totale harmonie texte parlé, chant, musique et numéros dansés.
Daniel Bianco, complice absolu de Sagi, crée une scénographie magique bien mise en évidence par les lumières d'Eduardo Bravo. De l'intérieur blanc du palais d'une monarchie décadente et en exile du premier acte, au carroussel et jardin du second, tout est pensé pour envelopper cette «Générale» du plus merveilleux “papier cadeau”. L'habillement est complété par les costumes de Jesús Ruiz, qui pourraient parfois paraître presque excessifs, mais qui sont tottalement en accord avec la mise en scène d'une génialité déjantée de Sagi.
Tirons aussi notre chapeau à Nuria Castejón, qui a chorégraphié avec brio son équipe hétérogène de danseurs-figurants, et qui fait aussi danser choeur et solistes avec élégance et naturel.
Dans le rôle titre de cette zarzuela nous avons vue une Carmen González taillée sur mesure pour incarner Berta de Tocateca. Et même si parfois elle paraissait éssouflée dans certains moments chantés, elle a assuré avec rigueur et expressivité, tant vocalement que dramatiquement. A ses côtés Ismael Jordi, en tant que Prince Pío, apporte la lumière et la beauté à laquelle il nous a habitué, parfaitement équilibré à son chant extraordinaire, qui nous dit qu'il est un des plus grands ténors de sa génération, et que nous souhaitons voir et écouter dans les plus grandes scènes internationales. Sonia de Munck, la Princesse Olga, illumine l'acte II, avec sa présence gracieuse, et même si ses aigües paraissent parfois un peu stridents, sont interprétation est divine. Divine est aussi sans doute l'adjectif adéquate pour parler de la prestation d'Itxaro Mentxaka, qui est une Reine Eva débordante d'humour et d'énergie, et qui en plus d'un travail d'acteur excellent est une chanteuse magnifique. Très bien aussi les Rois de Luis Álvarez (Cirilo II) et de Miguel López Galindo (Clodomiro V), d'une grande dignité et d'un grand comique, aussi bien que le Géneral Tocateca de David Rubiera, excellent en mari amoureux et naïf, capable de tout pardonner à son épouse manipulatrice d'hommes, si bien illustré dans la chanson de l'arlequin. Il faut aussi saluer Enrique Viana dans le rôle de Dagoberto et Richard Collins-Moore dans le rôle parlé de Guanajato, tous deux très drôles, même si parfois Viana n'était pas facile à entendre, surtout dans ses commentaires géniaux du premier acte.
Le choeur du Teatro de la Zarzuela a aussi interprété avec grand rigueur les quelques petits rôles qui demande l'oeuvre, et crée des moments chorales de grande expressivité dramatique et beauté vocale.
L'orchestre de la communauté de Madrid, titulaire du Teatro de la Zarzuela dirigé par José Fabra, nous a offert la délicieuse musique d'Amadeo Vives, sans enlever le protagonisme à ce qui se passait sur scène, dans un accompagnement permanent et complice, jusqu'à l'explosion finale qui laisse à n'importe quel néophyte ou expert l'envie de revenir.
Ne vous inquiétez pas si Madrid vous semble un peu loin, puisque «La Generala» sera sur scène au Théâtre du Châtelet de Paris à partir du 27 mai 2008.
A ne pas manquer!

«La Generala»
Du 15/02 au 16/03
Teatro de la Zarzuela, Madrid

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