Thursday, March 13, 2008

Le chaos entre le professionnel et l'amateur


Le spectacle «Chaos II» de la compagnie Ah Bond Danse et les évènements nommés «Pas de Danse?» organisés par la MJC Roguet/Saint-Cyprien à Toulouse nous posent devant une problématique contemporaine assez importante concernant la politique culturelle française actuelle: les différences entre la création amateur et professionnelle.
«Chaos II», création programmée les 11 et 12 mars 2008 à la salle de spectacle de la MJC Roguet en est bien un exemple. Une chorégraphie pour 5 danseuses, buvant d'un mélange de styles entre danse contemporaine, danse moderne, danse jazz, danse africaine, danses latines, contact-improvisation et autres, avec un décor ambitieux.
Sur scène, la première image est comme si on rentrait dans l'univers du film «Alien», suivie par un solo presque intéressant de la chorégraphe, mais l'action se déroule de façon décevante dans un enchaînement de métaphores au premier degré d'une réalité que la chorégraphie prétend aborder philosophiquement. Le résultat c'est du Nietzche pour les enfants, allégé de telle façon qu'il ne reste qu'une esthétique narrative et descriptive, qui nous laisse une image «jolie», mais aucune raison pour réfléchir.
Mais «Chaos II» n'est pas un mauvais spectacle. Si nous le considérons comme un spectacle amateur, ou au mieux pré-professionnel. Mais après avoir payé 11€ pour voir un spectacle que nous attendons professionnel, nous pouvons que conclure qu'il y a un vrai problème de présentation.
Est-ce que le problème vient de la compagnie qui, peut-être, se présente comme professionnelle, ou provient-t'il plutôt des programmateurs qui proposent des spectacles prétendus professionnels, sans vraiment l'être, pour des raisons peut-être économiques? Ou sera que les programmateurs proposent des spectacles sans connaître les compagnies?
En l'occurrence cela n'était pas le cas, puisqu'il paraît que la compagnie avait déjà été programmée dans cette salle.
«Chaos II» est une création jeune, voir même puérile, qui joue entre l'expression corporelle et une esthétique moderne des années 70 du siècle passé, qui essaye de survivre avec des recours “à la mode” comme les danseuses dansant les seins nus. Ça bouge, ça gigote, ça bavarde (au niveau mouvement) mais il faut bien avouer que pour un groupe amateur il y a de la qualité de mouvement et d'interprétation de la part des danseuses.
Parce que la question est là: pour un spectacle amateur c'était pas mal; 5 danseuses qui ont de la fibre, qui apportent de l'énergie sur scène, un décor important, des lumières... mais si nous regardons la même chose d'un point de vue professionnel, tout change: la démarche chorégraphique est amateur, le niveau interprétatif est limite pré-professionnel, le décor qu'au premier abord pourrait paraître intéressant par l'ouverture de l'imagination que ça pourrait reveiller chez le public, se réduit au symbol de «la société et le système dans lequel les danseurs évoluent de façon mécanique» comme dit le programme, et les ambitions de la chorégraphe de trouver «un nouveau mode de fonctionnement qui passe par des pertes de contrôle» nous parraissent trop déterminantes du point de vue du public, et pas du tout aboutissant à ses fins. Trop d'explications, de descriptions tuent «Chaos II», même malgré quelques moments réussits qui n'arrivent pas à relever le niveau.
Mais le public a bien réagit: une ovation style «gala de fin d'année», et que comme dans le cas de ces galas, la salle de spectacle, d'habitude rarement pleine, contait environ quatre-vingts personnes. Cela explique peut-être cette programmation: l'objectif est-il de remplir les salles... au détriment de la qualité et du professionnalisme des spectacles?
La politique culturelle actuelle oblige: l'extinction des DRACs; encore moins d'argent pour la culture qui passe a être qu'un département du Ministère de la Jeunesse et des Sports ou du Ministère de l'Education Nationale; l'extinction progréssive de l'intermittence du spectacle et des petites et moyennes compagnies professionnelles... il paraît que la fossée se creuse entre les Grands Théâtres et Compagnies et les alternatives, qui peu à peu se voient obligées à adopter des statuts amateurs.
La France qui était en avance et servait d'exemple à d'autres pays pour le développement de systèmes de soutien à la culture, au spectacle vivant et à la création artistique, revient sur ces pas et s'éffondre dans la Pré-Histoire.
En espérant que le futur nous apportera une nouvelle Rennaissance!



La programmation «Pas de Danse?» propose d'autres spectacles jusqu'à fin mars 2008, quelques uns, nous savons, de compagnies confirmés et jeunes créateurs professionnels à découvrir.