Wednesday, August 29, 2007

GOD IS BLACK AND NELISIWE XABA HIS QUEEN


Nelisiwe Xaba, wonderful south-African dancer, already known by the French public as the fetish performer of Robyn Orlin, presented her own work in the two last days of the 2007 edition of Toulouse International Festival «C’est de la Danse Contemporaine».
Being the image of this year festival Nelisiwe Xaba had full house at CDC studio, where she presented two solos: «Plasticization» and «Ils me regardent et c’est tout ce qu’ils pensent» («They look at me and that’s all they think»).
In these two solos Nelisiwe Xaba, in collaboration with Strange Love and Carlo Gibson, offers us – with a generosity that we are not use to in Europe – an astonishing work on costume and accessories handling.
Not only she makes proof of a refined sense of aesthetics but she successfully takes us trough a very pertinent critical vision of what a female south-African black contemporary artist has to say in this male European white contemporary world.
«Ils me regardent…» is an homage to Sarah Baartman, the south-African black woman that became an object of scientific curiosity in the nineteenth century.
In a very intelligent but simple way Nelisiwe translates Sarah Baartman’s story into an autobiographic vision of black African woman’s body today.
Though a quite elaborate game with costumes and objects: her dress becomes a cinema screen, inflated air becomes body shapes, a stool becomes a tango partner… in a surprising dance where music is used in a direct and sometimes funny way.
There is a kind of conscious naivety that enchants the spectator in an audacious musical path – where we, Europeans, have lost all spontaneousness, Nelisiwe Xaba builds her territory!
«Plasticization» is a short and astounding solo performance, where the body becomes universal in its… plasticization!
An accurate critical view of the contemporary body, that becomes plastic, not only in an aesthetical way, but also in the manner of how contemporary humans interact: not touching, not showing their bodies (unless it is in a fashion socially accepted usage), isolating their «body of diseases and imperfections» away from the joy of just being («natural»?). A body that only touches others through plastic protection (kissing is a beautiful metaphor) and that becomes a big plastic bag from whish arms and legs (protected by shoes) come out to touch the outside «dangerous» world (kind of Sarkozy point of view no?).
Once more Neliwise Xaba impresses us by her musical choices (big opera choruses and classical Top 5 excerpts) and the way she treats it through personal gesture and expression.
Nelisiwe Xaba succeeds to put us face to face with our still present (unconsciously?) white colonial taste for exotic voyeurism.
A statement that westerner white Art has lots to learn from besides its pride of apparent superiority.
Thank you Nelisiwe for reminding us of what Art is there for!
Fotos: Suzy Bernstein

BEAUTÉ ÉTRANGE


Le 2 et 3 février 2007 le Festival «C’est de la Danse Contemporaine» a eu l’honneur d’accueillir au Théâtre Garonne les dernières représentations de «Régi» de Boris Charmatz.
Cette pièce, pour 3 interprètes et 2 machines commence par installer une ambiance d’angoisse curieuse, comme une promenade en forêt la nuit, ou un film d’horreur.
Dans une presque pénombre une machine fait son travail, jusqu’à amener vers soi des corps inertes, avec lesquels se délivre à une danse insolite d’ascension et descente.
Cette danse est continuée par Raimund Hoghe, dramaturge, écrivain, metteur en scène et chorégraphe bien connu de la scène actuelle, qui prête cette fois-ci son corps étrange à l’interprétation.
Finalement libérés, les 2 corps se séparent (ont-ils jamais été vraiment ensemble ?), et Julia Cima, que le public toulousain a pu voir dans la dernière édition du même Festival avec l’époustouflant «Visitations», est absorbée par l’autre machine, qui l’oblige à une danse de chute, dont elle est la «victime consentante», et qui nous offre une esthétique du corps indépendante de sa volonté. Encore un tour vertueusement conceptuel joué par Boris Charmatz, enfant terrible de la danse contemporaine française.
Entre-temps il se libère aussi de ses vêtements, et c’est dans une danse minimaliste d’intimité entre les corps si différents de Boris et Raimund que «Régi» prend son sens.
La sensualité humaine de ces corps masculins nus en avant scène, l’un d’une beauté classique, l’autre d’une esthétique étrangère (d’exclusion ?) à notre «société de perfections», contraste avec la violence machinale à laquelle est soumis ce corps féminin vêtu de noir en fonds de scène.
Si dans «Régi» Boris Charmatz revient «à un dispositif plus traditionnel», le résultat est loin de l’être, et cette pièce est une expérience bouleversante où (comme dit le programme) «Une fois de plus en marge des démarches convenues, Boris Charmatz traque la chorégraphie dans des zones inconnues où le corps, nostalgique d’une présence perdue, lâche un peu de son histoire la plus enfouie.».
Credit photographique : Alexander Wulz

EMBRYON EN CAGE


«Dromos», création biannuelle de Philippe Combes, chorégraphe de la compagnie toulousaine Cave Canem, a été présenté le 1er et le 2 février 2007 au Centre de Développement Chorégraphique, dans le cadre du Festival «C’est de la Danse Contemporaine».
«Dromos 1 & 2», comme son nom indique, est un diptyque : deux soli interprétés impeccablement par Delphine Lorenzo.
Dans le 1er volet, déjà présenté au public toulousain lors de la dernière édition du Festival CDC, l’interprète habite une structure métallique placée au fonds de scène, recouverte d’une «membrane verticale», écran où se fait la projection vidéo.
On y observe une espèce de naissance d’un être qui se contorsionne spasmodiquement.
Malgré une certaine longueur, ce solo se tient, surtout grâce à la vivacité de cette nouvelle interprète – nous trouvons que l’énergie amenée par Delphine Lorenzo fait revivre ce solo, vis-à-vis de la présentation de l’année dernière.
Les lumières de Patrick Riou sont aussi d’une grande pertinence, parfois d’une grande finesse, d’autres fois d’un caractère cru, qui correspond bien à l’esprit de la chorégraphie.
La vidéo de Cécile Babiole, par contre, est d’un répétitif ennuyeux, qui à part servir de base numérique, ne transmet pas grand-chose.
Cet ennui nous poursuit dans le second volet, où le corps se dégage de son cocon, pour découvrir que cette liberté est encore plus contraignante. Une jolie allégorie, mais qui nous laisse impassibles et/ou impatients par son traitement du mouvement, certes pas inintéressant, mais trop long.
«Philippe Combes s’attache une fois de plus à la substance première du corps porteur de tous les possibles et de toutes les couleurs», nous dit le programme. L’abstraction dans laquelle Philippe Combes choisit de travailler – malgré le corps (bien) humain dénudé et l’énergie animale – nous laisse insensibles à «tous les possibles» et «toutes les couleurs» de son ambitieux propos de la «substance première»…
«Dromos» n’est pas ici une allée menant au temple (conforme à la définition grecque), mais un chemin tortueux et incolore où on se perd, perdant au même temps l’intérêt par le propos chorégraphique.

http://www.cie-cavecanem.com/
http://www.cdctoulouse.com/

MENSONGES, TRUCAGES ET «DÉJÀ VUS»


«Le spectacle dont vous êtes le héros» de la compagnie Androphyne, présence de nos voisins d’Aquitaine au Festival «C’est de la Danse Contemporaine», pourrait bien s’appeler aussi «Le spectacle dont vous êtes la victime».
Dans cette pièce nous trouvons tous les ingrédients pour faire une création très contemporaine : de la musique live de bonne qualité, de l’interaction avec le public,
des interprètes pluridisciplinaires, de la prise d’images en direct, des télévisions, des micros, des belles lumières, du matériel scénographique en grande abondance, du vin (de Bordeaux ?) et même un verre de cidre offert en toute convivialité à la fin du spectacle… mais la recette ne prends pas toujours, et malgré certains moments plus ou moins réussis, «Le spectacle…» dure 1h40 et on s’ennuie pas mal !
Dans une atmosphère assez informelle (qui frôle parfois l’amateur), les jeunes chorégraphes Magali Pobel et Pierre-Johan Suc créent une espèce de patchwork sans queue ni tête, où rien n’est vraiment approfondi, ni développé, et que même une équipe intéressante d’artistes hétérogènes ne peut soutenir pendant l’extrême longueur du spectacle.
Eddy Crampe – musicien – avec Jean-Michel Noël – technicien de talent, même au moment où il faut bouger son corps – et Éric Bernard – comédien multi facettes – ont le mérite de créer des moments musicaux de grande intensité.
Carole Bonneau, malgré son curriculum impressionnant, nous laisse, d’une vague ressemblance avec Victoria Abril, la conviction de que ce n’est qu’une vague ressemblance, puisque Carole n’a décidément pas hérité des talents de comédienne de Victoria. Dans un sur jeu hystérique constant (peut-être est cela fait exprès… alors peut-être qu’une collaboration avec un metteur en scène capable de faire de la direction d’acteurs serait envisageable…), nos regards terminent pour se détourner plutôt vers Anne-Cécile Massoni, l’autre interprète féminine de la pièce.
Anne-Cé (comme l’appellent sur scène ses camarades) est une danseuse sensible, d’une physicalité intéressante et d’une théâtralité juste, que nous trouvons sous-exploitée.
Ivan Fatjo, danseur de grande stature et gestuelle étrange, est celui à qui Magali Pobel dit, dans son unique intervention scénique que «ça va pas», qu’«il faudrait plus de danse» !
Pierre-Johan Suc, au contraire de sa partenaire chorégraphe est plus présent sur scène, mais à part une exception, ces présences laissent très peu de traces sur le spectateur (malgré quelques bonnes idées, aussi sous-exploitées).
Cette exception est Éric Bernard : du début à la fin il a une présence continuellement bizarre, mais pertinente, et son moment de texte au micro reste un des points forts du spectacle. Un texte qui passe du coq à l’âne avec une virtuosité pleine d’humour, et que dans son «non-sens» donne du sens au «non-sens» incongru de cette pièce.
Avec 1h40 pleine de trucages et de «déjà vus», «Le spectacle dont vous êtes le héros» laisse des avis partagés, et l’image d’une jeune compagnie prometteuse, à laquelle nous avons envie d’accorder le bénéfice du doute…
Affaire à suivre…

http://www.androphyne.com/
http://www.cdctoulouse.com/

Tuesday, August 28, 2007

QUARK 5 ÉTOILES


Si dans le panorama actuel du spectacle vivant nous avons l’impression que nous vivons une période de crise, qu’il n’y a rien de nouveau et que les recettes des compagnies de succès s’épuisent : allons découvrir le PROJET DE QUARK !
Collectif toulousain composé par Séverine Astel, Joke Demaître, Sébastien Lange, Renaud Serraz, Thomas Wallet, Romain Mercier et Alexandre Bugel, «comédiens, techniciens, metteurs en scène formés il y a quelques années à l’Atelier de Recherche et de Formation du Théâtre National de Toulouse».
Le 26 et 27 janvier 2007 ils on présenté «Étape #2», à l’issu d’une résidence de création au Théâtre Garonne.
Partant de textes contemporains, De Quark développe un spectacle de génie où il «préfère explorer les marges, les croisements et laisser les spectateurs construire leur propre histoire». Et ça ne rate pas : nous voilà embarqués dans un voyage duquel on ne sortira pas indemne !
Ayant comme partenaires Cisco Berchenko (musicien), Élodie Lefebvre (plasticienne), Sophie Laffont (costumière), Jack (ingénieur son) et Danielle Marchais (administration), De Quark construit un spectacle enveloppant, sensible, intrigant et hilare !
Étant obligés de traverser la scène pour gagner nos sièges, nous apercevons, sans plus, une installation suspendue en hauteur de 4 poupons de taille humaine. C’est après, quand le texte «Glaces» de Thomas Bernhard commence en voix off, qu’on se pose la question si ces poupons à la «May B» (pour le public de danse, une ressemblance entre ce poupons déformes, aux traits vieillis, et l’œuvre emblématique de Maguy Marin est indéniable – mais à part le génie de la démarche, les ressemblances s’arrêtent là), sont une simple installation plastique ou s’ils sont habités ?
Et cela nous intrigue tout le long du texte, qui devient presque un support secondaire qui soutien notre curiosité et concentration, jusqu’au moment où le «marchand de glaces» arrive et les tue un par un.
L’énigme s’éclaircit, mais la sensation de «c’est incroyable !» reste.
Avec des transitions mises en scène et à vue, notre intérêt ne décroît pas, bien le contraire, et le public reste en suspens dans une curiosité concentré qui nous domine tout le long du spectacle.
«Face au mur» de Martin Crimp, met en scène un monologue dialogué, dans la difficulté de l’apprentissage d’un texte (que ceux qui font du théâtre, ou qui l’ont fait connaissent bien), dans ce qui est encore une excellente idée pour nous faire traverser un texte dramatique de façon allégée, créant avec le public une complicité, pour faire revivre la tuerie du collège de Colombine aux Etats-Unis.
Ce suit «Dors mon petit enfant» de Jon Fosse, texte qui pourrait sembler long et lourd, mais qui nous plonge dans un espace intergalactique, où les étoiles sont des indications de sortie, mais d’où on comprend ce n’est pas possible sortir : «On est là depuis toujours…» dit un des comédiens invisibles, «Toujours, ça n’existe pas.» lui réponds une autre… et nous partons à la dérive avec eux, flottant dans ce grand néant sans gravité.
Pour fermer avec clé d’or : «La Fête» de Spiro Scimone, met en scène 3 des comédiens du PROJET DE QUARK, comédiens exceptionnels, que avec des scénographies simples et intelligentes nous embarquent encore avec eux (on les suivrait les yeux fermés !) dans une histoire familiale loufoque, où la mère est à la fois maîtresse dominatrice et dominée, point central de ce triangle mère - père - fils.
L’humour et le jeu des comédiens sont tellement francs, que nous nous trouvons à faire la fête avec eux, inconditionnellement !
La salle était debout (du moins une bonne partie spontanée) pour saluer cette équipe prometteuse.
Une qualité qui mérite les meilleures salles du pays et de l’étranger !
Un talent de génie que nous espérons revoir bientôt sur les planches !
Bravo et bravo encore !

LE CRI INTÉRIEUR DU RÊVE


«C’est de la Danse Contemporaine» est à l’honneur avec la nouvelle création de la compagnie La Zampa : «Dream On – track 03». Une pièce solide, interprété à rigueur par une équipe de 7 artistes multidisciplinaires, signée Magali Milian et Romuald Luydlin.
La danse de ce duo de chorégraphes trouve son originalité en dehors des courants esthétiques et conceptuelles à la mode ; leur gestuelle est fort esthétique mais nourrie d’une force intérieure qui habite tous ses interprètes et qui a le don d’absorber l’attention et la concentration du public.
Le rideau s’ouvre sur des corps allongés dont on ne voit que les pieds, pour petit à petit arriver à discerner une figure debout : Hélène Rocheteau qui entame un solo vertueusement étrange, annonçant la couleur de la pièce. On ne comprend peut-être pas ce qu’il arrive, mais on se laisse prendre au jeu, et on la suit dans «un duel consenti avec le désir de vivre notre dégradation et l’urgence de la saisir» (paroles des auteurs).
Corine Milian pousse des cris, des sons sauvages, pendant que les autres danseurs sont contre le fond du décor, où le temps qui passe malgré nous, est projeté.
Sur une scénographie de Pascale Bongiovanni et des chorégraphes, la vidéo mouvante de Loran Chourrau est projetée. Une vidéo sans couleur qui a plus l’objectif d’illuminer et de poser un décor, dans l’espace et sur les interprètes, telle écriture d’une vie en constante transformation qui se dessine en nous et autour de nous.
Des jeux d’ombres sont utilisés, créant des rapports de coexistence, de pouvoir, de doublure…
Oriane Boyer se pose, et nous impose sa présence de façon sensible mais franche : on ne peut que la regarder.
De ses grands yeux elle nous nargue, regard fuyant, comme son corps surpuissant qui ne faiblit pas une seconde, même quand il se déconstruit brutalement, jusqu’au sens : des armes de feu dont nous sommes les visés, dont son propre corps devient la victime, pour un mouvement chorale d’autodestruction.
Le baiser d’Hélène et Benjamin Dukhan, inattendu et qui dure regrettablement si peu.
Le solo de Romuald Luydlin, qui dans une simplicité apparemment abstraite arrive à nous émouvoir et secouer ; la physicalité toujours incroyablement désarticulée (on se demande de quoi est fait son corps) de Magali Milian.
Comme le fait Oriane Boyer dans son solo, la pièce est menée à coups de bassin/coups de feu, et si le sens n’est pas toujours intelligible, cela ne dérange pas, tellement l’énergie qui nous est offerte sur scène est généreuse.
Benjamin Dukhan, avec son air timide, malgré sa stature physique (un géant à côté des autres interprètes, plutôt de stature moyenne), qui auparavant c’était fait écrasé par l’ombre d’Hélène, amène une pointe d’humour dans son solo époustouflant de physicalité et d’expression, jusqu’à gêner le chœur des autres interprètes qui forment un mur humain devant lui, essayant de nous empêcher de voir sa gestuelle «socialement incorrecte» - qu’on adore !
Sylvain Huc, bel interprète, nous paraît tout de même pas assez mis en valeur, dans un solo qui joue sur l’épuisement d’un mouvement infini et inépuisable ( ?!) qui envahit son corps et tout l’espace, et son double vidéo/ombre qui fait autant.
Pendant ce frénésie, les autres membres de l’équipe rentrent armés de seaux et bouteilles d’eau, pour un grand (presque) final, que malgré peut-être une petite longueur, reste une expérience visuelle à avoir.
«Dream On – track 03» le dernier track à voir de la compagnie La Zampa, compagnie ariégeoise confirmée !
En espérant qu’ils nous fassent rêver longtemps !
credit photographique Erik Damiano
http://www.ipernity.com/home/eedee

LE BACKROOM DE SAMUEL


Le 25 et 26 janvier 2007, au Théâtre National de Toulouse, et dans le cadre du Festival C’est de la Danse Contemporaine a eu lieu la tant attendue première de la création «Go On !» de la Compagnie Samuel Mathieu, qui ouvre de façon peu auspicieuse la participation des compagnies locales dans ce Festival.
«Go On !», après 2 ans de maturation dans les caves du Centre de Développement Chorégraphique et du Théâtre de la Digue, est un cru insipide, pour ne pas dire : qui a mal tourné.
Samuel Mathieu réunit dans cette pièce une excellente équipe de 5 interprètes, qui on travaillé dans ce que la feuille de salle explique être une exploration «du duo au chœur communautaire».
Des duos on voit clairement celui de Anna Rodríguez et Claude Bardouil, qui se pérennise, et peut-être quelques bribes par-ci, par-là, qu’on qualifierait plutôt de rencontres furtives… et du «chœur communautaire», peut-être quelques mouvements que les interprètes répètent à tour de rôle…
«Go On !» est comme un film noir sur l’incommunicabilité, où chacun reste soi même et sans que ça se passe grand-chose.
Comme «US-Band», la création 2005 de la compagnie, «Go On !» reste une pièce fondamentalement masculine, malgré ses 2 interprètes féminines : Anna Rodriguez et Emmanuelle Santos. Anna Rodriguez la première à prendre l’espace (au même temps/en réaction ? au mini duo «carressant» de Emmanuelle et Claude), développe un solo d’une perfection maîtrisé à l’absolu, telle machine, qui arrive tout de même à captiver Bardouil, avec qui le duo «pérenne» est entamé.
Claude Bardouil, interprète délirant, fait son «Le Roi Danse», dans une gestuelle que nous connaissons déjà, et que si saisissante au début, termine pour s’épuiser dans son énergie envahissante, et nos regards, lassés, vont se poser ailleurs.
Jérôme Brabant, fougueux danseur en «US-Band», est ici le Top Model nonchalant et épuisé de cette «Saturday Night Gay Fever», mais aussi celui mis à l’écart, le «masturbateur» de cette «série de duos». Peut-être est-il en duo avec la musique – la bande son pertinente de la responsabilité du même Samuel Mathieu.
Un mot aussi à la lumière et scénographie de Olivier Balagna, qui donne un peu de sens à ce spectacle.
Celui qui reste toujours explosif d’énergie, dans une physicalité époustouflante est Christophe Le Goff, qui par sa présence introduit de la couleur dans le monde noir de «Go On !».
Mais c’est la nouvelle arrivante dans la compagnie, Emmanuelle Santos qui amène du contraste, de la fraîcheur, de la féminité et de la surprise dans cette création, qui a du mal à se débarrasser du poids du «déjà vu… en mieux».
Avec sa présence nonchalante, sa gestuelle étrange, et de son regard pétillant elle donne l’impression de mener la danse, telle maîtresse de cérémonies !
Mais malgré cela, et sa complicité scénique avec Christophe Le Goff, ça ne suffit pas à sauver le spectacle, que quand le noir arrive, nous laisse la sensation d’avoir assister à un grand vide de 50 minutes !
Même les incursions dans le domaine du grotesque (que le chorégraphe aime tant) deviennent ici d’une obscénité provocatrice gratuite qui laisse le public indifférent.
«Go On !» ou «Go On ?»?

Monday, August 27, 2007

LE PÈRE NOËL EST GAY ET LES ENFANTS DE CHOEUR SURDOUÉS


Le mardi 23 et le mercredi 24 janvier 2007, nous avons pu échapper encore une soirée devant la télé grâce au Festival C’est de la Danse Contemporaine (CDC), qui présentait David Flahaut avec son «Presque Ève» au Studio du Centre de Développement Chorégraphique (CDC) de Toulouse, et Les Ballets C. de la B. (Contemporains de la Belgique, pour les néophytes) avec «VSPRS» de Alain Platel et Fabrizio Cassol, au Théâtre National de Toulouse (TNT).
«Presque Ève» habite ce territoire d’incertitude et d’insuffisance, où un corps d’homme investit les stéréotypes d’identité de notre société de consommation.
Du Père Noël aguicheur, qui pèle façon «Cage aux Folles» des patates, jetant les débris de façon provocatrice et affecté, à la «Presque Ève» qui éclot de derrière un mur de magazines «3 Suisses», croqueuse de pommes de terre, pécheresse malgré soi et qui s’adonne à une gestuelle effrénée, qui nous parle nonchalamment de désir.
Cette «Presque Ève» blonde platine de récupération, habillée en petite robe rouge uni face (qu’elle tourne au gré de ses déambulations), n’a pas de tabous (comme toute Ève, en opposition à tout Adam, simplet de nature, qui serait toujours au Paradis sans rien connaître au Monde), et dans son corps désirant et désireux, elle s’engouffre et nous engouffre dans la vision macho-chrétienne de nos propres valeurs d’héritage. Et on comprend peut-être pourquoi il est si difficile à la femme de se libérer de ce poids de pécheresse originale.
Puisque malgré son investissement dans ce corps de désir, corps de plaisir, rapport Soumise-Maîtresse, David Flahaut nous donne un portrait d’un presque épanouissement du corps, dans sa sensualité et sexualité, mais qui sous le poids d’un regard socioculturel avec des siècles de tradition, reste mal compris, triste et seul, tel l’enfant qui n’arrive pas à faire comprendre aux adultes «civilisés» le nouveau jeu qu’il vient d’inventer.
«Presque Ève» a tout de même la faiblesse du «presque», de rester dans l’insuffisance, de passer d’idée en idée un peu trop vite (peut-être est cela un objectif ?), et aussi d’une conceptualité parfois trop intérieure, qui éloigne cette «Presque Ève» de la sensibilité du public.
Et si «Presque Ève» commence par croquer des pommes de terre, «VSPRS» commence par caresser du pain, pour le croquer aussi en suite, dans une sorte de rituel («eucharistique» ? ou de rédemption ?).
Alain Platel réunit encore une fois une équipe d’exception qui donne un spectacle digne des «Vêpres» de Monteverdi (dont la musique de Fabrizio Cassol s’inspire) ou de Rachmaninov.
Une dizaine de danseurs-interprètes, une soprano et 9 musiciens donnent corps, voix et son à cette création des Ballets C. de la B.
Et sur la grande scène du TNT tout se mélange : la soprano Maribeth Diggle s’essaye drôlement au mouvement, pendant que Rosalba Torres Guerrero est époustouflante dans ses apports théâtraux, dans sa chanson «christique» et dans la sobriété de sa danse.
Au niveau mouvement nous nous sommes habitués à que Les Ballets C. de la B. nous montrent des danseurs d’une virtuosité inouïe, et «VSPRS» ne fait pas exception : ces jeunes gens évoluent dans un tremblement présent dès le début de la pièce jusqu’à l’extase explosif et mortel de la fin.
Ce tremblement du corps et des esprits, «leitmotiv» de «VSPRS» est exploité dans bien de ses possibilités : du «je ne sais pas ce qui m’arrive», au frénésie, à la béatitude, à la masturbation, à l’attaque cardiaque…
Dans un décor blanc et douillet, mais non sans danger (espèce de structure d’escalade de Peter De Blieck), «VSPRS» nous offre des successions d’images : de la danseuse avalée par son pantalon et qui s’y contorsionne à souhait, engagé en suite dans un duo circassien et que plus tard essaye de se faire remarquer en faisant des pointes, au danseur qui esquisse des pas classiques tout en se déshabillant, qui plus tard montre une maîtrise théâtrale-vocale dans des phrases désarticulées robotiquement, à une danse des mains ou à la danseuse hyperlaxe qui laisse son corps partir nonchalamment dans tous les sens en espérant qu’on l’a rattrape… il y en a pour tous les goûts !
Même malgré sa longueur (1 heure 40) et ses moments «15 minutes de gloire» où chaque danseur s’adonne trop à une virtuosité devenue gratuite et vide de sens, parce qu’excessive, «VSPRS» reste un grand moment de spectacle vivant «made in» Belgique.
Il nous reste la question : qu’serait-il arrivé si quelqu’un du public avait accepté l’invitation pour monter sur scène, tant de fois répétées par les interprètes ?

Saturday, August 25, 2007

UNE CHAUVE-SOURIS À L’AILE… CASSÉE


Comme chaque année, à l’occasion des fêtes de Noël et de fin d’année, le Théâtre du Capitole nous offre une opérette.
Cette année, Nicolas Joël, directeur que nous regrettons déjà (Nicolas Joël quittera en 2009 la ville rose pour la ville lumière, pour diriger l’Opéra de Paris), nous fait cadeau de l’œuvre lyrique majeure de Johann Strauss fils : «Die Fledermaus» («La Chauve-souris»).
Après le plaisir d’écouter l’ouverture, par la baguette de maître du grand maestro Günter Neuhold (directeur musical qui est un habitué de la maison), le rideau s’ouvre sur un décor d’époque qui annonce une mise en scène conventionnelle.
Et cela ne nous déçoit pas : malgré l’équipe de grande qualité réunie avec soin autour des artistes de la maison (orchestre, chœur et corps de ballet), «La Chauve-souris» arrive à peine à s’envoler.
Première déception : même si c’était prévisible de retrouver «Die Fledermaus», ce chef d’œuvre de l’opérette viennoise, en version française (chantée donc dans la langue de Molière, plutôt que dans la langue de Goethe), les connaisseurs seront un peu perplexes en découvrant que l’action ne se passe plus du tout à Vienne, mais à Paris et dans sa banlieue ! Et que la maîtresse de maison, Rosalinde, répond au nom de Caroline.
Si d’un côté il est compréhensible que la version française rende l’œuvre plus accessible au public français, de l’autre nous regrettons l’absence de sous-titrage (les registres très aigus rendant difficile la compréhension du texte).
Rosalinde, ou son alter ego français, Caroline, est interprété de façon pétillante par l’élégante Sophie Marin-Degor (ou Cécile De Boever), accompagné par son mari, Gabriel von Eisenstein, chanté et joué de façon exquise par Patrick Raftery, et de son aspirant à amant, Alfred, chanteur – ténor «à l’Opéra du Capitole de Toulouse» (confession dans le 3e acte, qui nourrit un sketch comique avec Frosch, le gardien de la prison), chanté brillamment par Sébastien Droy. Mais ce sont les rôles d’Adèle et du Prince Orlofsky, chantés et joués, respectivement par Jaël Azzaretti (ou Laure Crumière) et par le contre-ténor Max Emanuel Cencic, qui nous émerveillent par leurs voix riches, des aigus pleins d’expression et d’une beauté troublante. De cette équipe d’exception font aussi partie Michel Trempont, dans le rôle de Franck, Didier Henry en Docteur Falke, Ricardo Cassinelli en Docteur Blind et les rôles parlés d’Ida et Frosch. Celui-ci, incarnant un gardien de prison décalé et bouffon, nous bouleverse au début du 3e acte avec ses sketches époustouflants d’humour, d’une actualité et ténacité pointues, qui nous disent que peut-être Jean-Louis Grinda serait plus à son aise dans des mises en scène de théâtre non lyrique.
Parce que la mise en scène est le talon d’Achille, ou mieux, l’aile brisée de notre «Chauve-souris».
Une opérette avec une mise en scène point innovatrice, c’est une chose à laquelle nous sommes habitués.
C’est comme la médiocrité générale de la danse sur la scène lyrique, qui se répète encore ici, avec des petits intermezzos chorégraphiques, assumés avec patience par les danseurs du Ballet du Capitole. Moments dansés qui se veulent amusants, mais qui ne font que basculer un grand moment de théâtre lyrique dans un terrain proche de l’«entertainment» d’une télé-réalité.
Mais revenons à la mise en scène : Jean-Louis Grinda signe ici, malgré la qualité des artistes, une direction d’acteurs sans intérêt et de peu de soin.
Si dans le 2e acte – le bal chez le Prince Orlofsky – nous avons des échantillons de personnages d’époque, pleins d’exotisme, ce ne sont que des essais non aboutis, qui lancent des idées, qui auraient pu être intéressantes, si développées ! Et cela est une constante de la mise en scène : dans le 1er acte, les tables et fauteuil qui s’élèvent dans l’air sans explication, nous démontrent les possibilités infinies de la machinerie de décor du Théâtre du Capitole, mais nous donnent des effets, fort esthétiques, mais totalement injustifiés ! Tout comme la présence, dans le 3e acte (la prison), en plan élevé d’un rappel du décor du 1er acte (le salon des Eisenstein).
À ajouter à une direction d’acteurs insipide, et à des effets incongrus, nous avons le total manque de préoccupation du détail, qui brise, chez le public, toute capacité de se laisser prendre par ce moment de rêve, que nous réussissons tout de même à avoir, grâce à la qualité des artistes et de l’œuvre :
une porte fermée, par une main inconnue, mais bien visible, derrière une artiste qui rentre en scène, nous laisse penser que la maison des Eisenstein est peut-être hantée ; un tapis qui se plie et se replie sous les pas de l’artiste, nous parle de la difficulté de le fixer au sol (quand une importante équipe technique a tous les moyens de le faire) – surtout que la scène devient territoire piégé pour les artistes-interprètes ; un gâteau à la crème qui ne laisse aucune trace sur la robe de l’artiste, bien qu’elle soit dessus (une simple attention au placement du gâteau suffirait à le rendre crédible) ; une prison avec des confettis en avant-scène, témoins oubliés du bal de la scène antérieure…
Et comme ceux-ci, les détails sordides se répètent. Non que les détails sordides soient inacceptables, si au moins ils étaient conscients et voulus !
Jean-Louis Grinda signe une mise en scène médiocre et sans intérêt, pas à la hauteur du Théâtre du Capitole et de son public connaisseur.
Heureusement Johann Strauss nous a laissé une œuvre qui survie à tout cela, et avec son équipe d’artistes de haut niveau, «La Chauve-souris» arrive à nous faire rêver. Merci.

Théâtre du Capitole – Toulouse
23, 24, 27, 28, 29 et 31 décembre 2006 à 20h ; 25 et 30 décembre à 15h.
http://www.theatre-du-capitole.org/
credit photographique: Patrice Nin

«LE(S) JEUNE(S) HOMME(S) ET LA MORT»


XINUM : «formation à géométries variables autour d’un directeur artistique : Sergio Piterbarg» présentait le 8 et 9 décembre 2006, à la MJC Roguet (qui accueille en résidence permanente le projet artistique XINUM) sa dernière création, «Modal Insight» 2.
Sergio Piterbarg s’est entouré cette fois du pianiste italien Stefano Genovese, du baryton Pierre-Yves Binard et du danseur-chorégraphe Pierre Meurier.
Une salle à penne remplie avec 35 personnes environ, a découvert un trio (Sergio Piterbarg n’étant pas sur scène) d’une grande inventivité, pour un spectacle d’une démarche très contemporaine.
La salle s’ouvrait pour un «échauffement» musical : 3 cercles de lumière avec
1) le pianiste assis devant son piano à queue, déjà lancé dans une composition simple accompagnant
2) le baryton Pierre-Yves Binard, au milieu, dans des vocalises qui évoluaient entre ce qu’on pourrait décrire comme un échauffement vocal et des sonorités qui rappelaient parfois le Brésil,
3) un corps allongé par terre, que petit à petit se remet sur ses pieds, dans une attitude apparemment distante, mais surveillante.
Le public est tout de suite captivé par l’expressivité de Pierre-Yves Binard, qui s’engage dans une «parafernalia» sonore qu’il accompagne avec son corps et visage. Sa belle voix de baryton se montre également à l’aise dans des registres plus aiguës, et a une flexibilité qui lui permet de jouer dans des styles très différents. Son interprétation engagée nous touche par sa sincérité et sa fraîcheur généreuse.
Pierre Meurier surgit petit à petit de l’ombre, pour la reprendre à nouveau. Sa figure filiforme, paraît sortir directement des films d’animation de Tim Burton «L’Étrange Noël de Mr Jack» ou «Les Noces Funèbres», et il se balade avec des gestes de ses longues mains créant des liens entre les deux musiciens et l’espace noir qui les entoure.
Ces mêmes mains qui parfois esquissent des positions qui nous ramènent à des mudras indiens. Sa présence, qui souvent frôle le macabre, contraste avec cette fraîcheur du chanteur qui est dans une attitude frontal et ouverte face au public, pendant que le danseur, concentré sur l’espace scénique, tisse des liens, comme des toiles d’araignée, tel la figure de la mort. Figure sombre qui se promène, s’approche, hésite, s’éloigne, se rapproche et alors effleure ou touche franchement un de ses compagnons, parfois avec une réaction de leur part, parfois non… mais sa présence paraît manipuler l’évolution du spectacle tel la main de Dieu (ou de Sergio Piterbarg)…
Les sons deviennent autres, par le biais de logiciels, dispositifs informatiques et interfaces sensorielles qu’on devine, Sergio Piterbarg est présent, et son spectacle se déroule en composition éphémère et interactivité en temps réel.
Stefano Genovese utilise, avec maîtrise, son piano comme un xylophone, et le public reste dans la recherche et compréhension de ces nouveaux sons… accompagnés par la voix toujours féconde d’inventivité de Pierre-Yves.
Le «banquet» musical se poursuit autour du piano, ou les trois interprètes explorent ses multiples possibilités sonores, dans une image qui fait penser à trois âmes autour d’un sarcophage grand ouvert.
Pierre Meurier, assis au piano, s’aventure alors dans un échantillon de travail de voix, que nous aurions aimé voir plus développé (mais finalement les musiciens ne ce sont pas beaucoup aventurés dans le mouvement non plus).
Le détail, qui est donné au public de voir les mains de maître des musiciens manipuler les entrailles sonores du piano via le reflet dans l’intérieur de son couvercle ouvert, est magnifique.
Pierre Meurier sort de scène, et plus tard Pierre-Yves et Stefano le suivent, pour lui laisser la place. Il entame alors un solo danse-son (par des interfaces sensorielles).
Ses compagnons le rejoignent plus tard pour un trio parlé (le danseur reste silencieux au milieu, parlant avec ses mouvements amples qui relient encore les autres deux interprètes, dans une espèce de manipulation des énergies), et humoristique : Pierre-Yves nous parle de son repas exotique et épicé de la veille, de sa difficulté de faire le lit le matin, de ses troubles de communication… pendant que Stefano, dans son italien natal va d’une note à six notes et se«plain» des interférences de son collègue danseur qui s’agite le frôlant de prêt avec ses extrémités… jusqu’à que le noir les gagne.

Un spectacle riche en couleurs, malgré les costumes noirs et la pénombre omniprésente (qui pour cela donne une impression ténébreuse), qui amène la musique contemporaine au public, en toute accessibilité.
La multidisciplinarité est en suprématie… et espérons que la transdisciplinarité se développe davantage dans l’évolution du projet de XINUM.

Si vous n’avez pas eu la possibilité d’assister à «Modal Insight» 2, vous avez encore l’opportunité de vous rattraper :
«Modal Insight» 3, les 8, 9 et 10 mars 2007/20h30 à la MJC Roguet
«Modal Insight» 4, en mai 2007
Concert Xinum, en juin 2007

Contacts : prodij1@free.fr; xinum.evi@gmail.com
http://www.mjcroguet.com/; http://www.electropole.net/
credit photographique: Gilou Martinez