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Saturday, January 8, 2011

Les Mamelles de Tirésias na Opéra Comique, ou que Poulenc seja cego, surdo e mudo!


Há 2 anos pude participar numa producção de «Les Mamelles de Tirésias», ópera de juventude de Francis Poulenc, bastante pouco conhecida. Esta obra é uma pérola musical, e o libreto do compositor baseado nos textos de Guillaume Apollinaire, uma loucura divertidissima!
Hoje pude assisitir, na Opéra Comique, em Paris, onde em 3 de Junho de 1947, foi criada pela primeira vez esta obra, a uma nova producção... e perceber porque é que esta obra continua a ser desconhecida, mesmo do público francês, e tão pouco apresentada e representada.
Como a ópera em si é curta, decidiram criar um formato «Soirée Dada», preludiando a obra em si com a «Jazz Suite Nº1 – Foxtrot» de Dimitri Chostakovitch, e o ballet «Le Boeuf sur le Toit» de Darius Milhaud... soirée que quanto muito terá posto Poulenc a dar voltas no caixão!
A escolha da encenadora, cenógrafa e figurinista Macha Makeïeff foi de ambientar a acção deste “assemblage” num circo.
Num principio parecia ser interessante, e algumas ideias realmente o eram... mas do foxtrot ao ballet, que de ballet só tinha o boeuf: um boi real que saíu a dar uma volta em cena... chega-se à ópera em si com expectativas que não são para nada alcançadas!
A personagem tripla Thérèse/Tirésias/Cartomancienne, protagonista feminina por excelência, é cantada por Hélène Guilmette, bonita soprano, cuja voz não chega para dar corpo a esta mulher forte e decidida, que grita o seu feminismo a coração aberto. Uma voz pequena e com dificuldades nos agudos, que abundam na partitura, mas quase poderiamos esquecer estas limitações devido à sua entrega fisica e interpretativa ao papel! (Ainda assim, é uma pena que não seja mais audível!)
Ivan Ludlow é um magnífico Le Mari, assim como Werner Van Mechelen está excelente no papel duplo de Le Directeur/Gendarme, apesar de que muitas vezes duvidamos de algumas escolhas musicais na maneira de cantar o papéis... dúvidas que nos atravessam durante toda a obra, com a maioria das personagens...
O dueto Lacouf e Presto está muito bem representado por Loïc Felix e Christophe Gay, a quem não há nada a dizer para além de «Bravo»!
Mas as felicitações acabam-se por aqui. Os três papéis secundários restantes (para além das outras participações por parte de membros do coro) não encontram voz nos seus intérpretes: tanto Le Journaliste de Thomas Morris, como Le Fils de Marc Molomot ou La Marchande de Journaux de Jeannette Fischer são personagens que vivem apenas pela sua interpretação teatral, pois vocalmente não se ouvem (e não é porque a música não esteja escrita), ao ponto de pensarmos se são actores ou cantores os que as interpretam!
É verdade que a encenação circense de Macha Makeïeff exigia de todos uma intensidade fortíssima, mas é uma pena que da participação de Jeannette Fischer seja bastante mais memorável a sua espargata do principio, que o seu papel cantado!
O Coro (da Ópera de Lyon) esteve exemplar na sua entrega teatral, e talvez o mais interessante do espectáculo é a surpresa de ver que os actores em cena desde o principio eram também os cantores.
Mas a encenação circense, ainda que com alguns momentos interessantes, não serviu a obra de Poulenc, e o mais memorável da soirée é o bailarino negro que aparece vestido como Joséphine Baker – real protagonista do «changement de sexe» (pois nem Thérèse/Tirésias nem Le Mari sofrem realmente uma transformação como propõem Poulenc e Apollinaire!)!
Para os amantes de Poulenc e de «Les Mamelles de Tirésias» esta producção é penível e sofremos ao ver-la e ouvir-la... e para os que queiram descubrir esta obra, não nos resta mais que aconselhar-vos a esperar que haja alguma reposição de outra producção (como a de Emilio Sagi) ou que se faça uma nova!

Wednesday, August 13, 2008

«L'EQUIVOCO STRAVAGANTE» DE SAGI: OPERA PER TUTTI


Le deuxième opéra presenté dans l'édition 2008 du ROSSINI OPERA FESTIVAL, est sans doute la perle rare de cet évènement.
Rare, «L'Equivoco Stravagante», est considéré un opéra mineur de Gioacchino Rossini, peut-être dû au libretto de Gaetano Gasbarri, que Piotr Kaminski dans son ouvrage «Mille et un Opéras» qualifie d'«un des plus misérables qu'il aura jamais à affronter (...) Le texte est mal construit et vulgaire, mais la musique, composée en quelques semaines, fut accueillie favorablement».
La vérité est que Emilio Sagi, metteur en scène espagnol et directeur du Théâtre Arriaga de Bilbao, a su, dans cette production qui date de 2002, donner une tournure a cet opéra, qui pourrait lui donner une réssurrection sur la scène internationale. Elle le mérite, du moins.
«L'Equivoco Stravagante» de Sagi a une esthétique années 70, ce qui lui donne une couleur tottalement contemporaine.
La scènographie de Francesco Calcagnini et les costumes de Pepa Ojanguren sont d'une grande qualité et raffinement, et soutiennent de façon absolue cette nouvelle vision Pop de l'oeuvre.
Sur la scène la mezzosoprano russe Marina Prudenskaja interprète une Ernestina idéale, féminine et ambigüe à la fois, alternant des moments sensibles et passionnées théâtralement, le tout avec une profondeur vocale essentielle au rôle. Le ténor Dmitry Korchak, sont consort sur scène et compatriote, lui donne la réplique comme un Ermanno amoureux qui chante quelques uns des plus beaux moments musicaux de la soirée. Marco Vinco est Buralicchio, son autre consort, complètement loufoque et avec une présence buffa tellement réussie, tant théâtralement, comme vocalement, à laquelle s'ajoute sa beauté et charme naturels, qui nous fait cataloguer sa prestation de proche à la perfection.
Bruno de Simone, l'autre basse de la soirée est Gamberotto, le père de Ernestina, que de l'agriculteur enrichi Rossinien est devenu le chef de l'entreprise «Gamberotto Vegetables», une multinationale de fruits et légumes en boîte. Un magnate extraverti et allumé caracterisé comme un Aristotle Onassis, interpreté avec beaucoup d'humour, finesse et bravoure par ce grand artiste italien.
L'équipe vocale se complète avec Amanda Forsythe, jeune soprano américaine, qui promet une fructueuse carrière internationale, et dont son aire «Quel furbarel d'amore» à l'aspirateur, restera comme une interprétation inoubliable du rôle de la doméstique Rosalia. Frontino, l'autre doméstique, est interpreté médiocrement par le ténor argentin Ricardo Mirabelli, qui n'a pas grand talent, du moins théâtral.
Le Choeur de Chambre de Prague ponctue le spectacle avec ces prestations vocales et scèniques pertinentes et de qualité.
De grande qualité aussi est la direction d'orqueste de Umberto Benedetti Michelangeli, que malgré sa peu abondante experience dans le millieu théatral, réussit à extraire de l'excellente orqueste Haydn de Bolzano et Trento, des sonorités exquises, qui pourraitent surprendre ceux qui voient dans «L'Equivoco Stravagante» une oeuvre sans grand intêret musical.
En plus d'esperer que cette géniale version connaisse d'autres Théâtres et Festivals, il est important de dire que cette mise en scène contemporaine fait preuve d'une démarche que nous aimerions voir faire école dans le millieu lyrique, puisque nous sommes persuadés que cela attirerait un nouveau et plus jeune publique aux Grands Théâtres d'Opéra qui malheureusement tendent à avoir un publique vieillissant et/ou conservateur.



ROSSINI OPERA FESTIVAL
Teatro Rossini
Pesaro – Italie
11, 14, 17 et 22 Août 2008, 20h.

Thursday, March 13, 2008

Le chaos entre le professionnel et l'amateur


Le spectacle «Chaos II» de la compagnie Ah Bond Danse et les évènements nommés «Pas de Danse?» organisés par la MJC Roguet/Saint-Cyprien à Toulouse nous posent devant une problématique contemporaine assez importante concernant la politique culturelle française actuelle: les différences entre la création amateur et professionnelle.
«Chaos II», création programmée les 11 et 12 mars 2008 à la salle de spectacle de la MJC Roguet en est bien un exemple. Une chorégraphie pour 5 danseuses, buvant d'un mélange de styles entre danse contemporaine, danse moderne, danse jazz, danse africaine, danses latines, contact-improvisation et autres, avec un décor ambitieux.
Sur scène, la première image est comme si on rentrait dans l'univers du film «Alien», suivie par un solo presque intéressant de la chorégraphe, mais l'action se déroule de façon décevante dans un enchaînement de métaphores au premier degré d'une réalité que la chorégraphie prétend aborder philosophiquement. Le résultat c'est du Nietzche pour les enfants, allégé de telle façon qu'il ne reste qu'une esthétique narrative et descriptive, qui nous laisse une image «jolie», mais aucune raison pour réfléchir.
Mais «Chaos II» n'est pas un mauvais spectacle. Si nous le considérons comme un spectacle amateur, ou au mieux pré-professionnel. Mais après avoir payé 11€ pour voir un spectacle que nous attendons professionnel, nous pouvons que conclure qu'il y a un vrai problème de présentation.
Est-ce que le problème vient de la compagnie qui, peut-être, se présente comme professionnelle, ou provient-t'il plutôt des programmateurs qui proposent des spectacles prétendus professionnels, sans vraiment l'être, pour des raisons peut-être économiques? Ou sera que les programmateurs proposent des spectacles sans connaître les compagnies?
En l'occurrence cela n'était pas le cas, puisqu'il paraît que la compagnie avait déjà été programmée dans cette salle.
«Chaos II» est une création jeune, voir même puérile, qui joue entre l'expression corporelle et une esthétique moderne des années 70 du siècle passé, qui essaye de survivre avec des recours “à la mode” comme les danseuses dansant les seins nus. Ça bouge, ça gigote, ça bavarde (au niveau mouvement) mais il faut bien avouer que pour un groupe amateur il y a de la qualité de mouvement et d'interprétation de la part des danseuses.
Parce que la question est là: pour un spectacle amateur c'était pas mal; 5 danseuses qui ont de la fibre, qui apportent de l'énergie sur scène, un décor important, des lumières... mais si nous regardons la même chose d'un point de vue professionnel, tout change: la démarche chorégraphique est amateur, le niveau interprétatif est limite pré-professionnel, le décor qu'au premier abord pourrait paraître intéressant par l'ouverture de l'imagination que ça pourrait reveiller chez le public, se réduit au symbol de «la société et le système dans lequel les danseurs évoluent de façon mécanique» comme dit le programme, et les ambitions de la chorégraphe de trouver «un nouveau mode de fonctionnement qui passe par des pertes de contrôle» nous parraissent trop déterminantes du point de vue du public, et pas du tout aboutissant à ses fins. Trop d'explications, de descriptions tuent «Chaos II», même malgré quelques moments réussits qui n'arrivent pas à relever le niveau.
Mais le public a bien réagit: une ovation style «gala de fin d'année», et que comme dans le cas de ces galas, la salle de spectacle, d'habitude rarement pleine, contait environ quatre-vingts personnes. Cela explique peut-être cette programmation: l'objectif est-il de remplir les salles... au détriment de la qualité et du professionnalisme des spectacles?
La politique culturelle actuelle oblige: l'extinction des DRACs; encore moins d'argent pour la culture qui passe a être qu'un département du Ministère de la Jeunesse et des Sports ou du Ministère de l'Education Nationale; l'extinction progréssive de l'intermittence du spectacle et des petites et moyennes compagnies professionnelles... il paraît que la fossée se creuse entre les Grands Théâtres et Compagnies et les alternatives, qui peu à peu se voient obligées à adopter des statuts amateurs.
La France qui était en avance et servait d'exemple à d'autres pays pour le développement de systèmes de soutien à la culture, au spectacle vivant et à la création artistique, revient sur ces pas et s'éffondre dans la Pré-Histoire.
En espérant que le futur nous apportera une nouvelle Rennaissance!



La programmation «Pas de Danse?» propose d'autres spectacles jusqu'à fin mars 2008, quelques uns, nous savons, de compagnies confirmés et jeunes créateurs professionnels à découvrir.


Friday, February 22, 2008

«LA GENERALA» D'EMILIO SAGI: UNE "REINE DE LA NUIT" ESPAGNOLE


La zarzuela est pour l'Espagne ce que l'opérette est pour la France. Et si les grandes maisons d'opéra trouvent le genre mineur en comparaison au «grand opéra», c'est un genre à part entière, plus populaire, plus léger, et qui peut être une bonne initiation à ceux qui sont un peux réticents au grand art lyrique. Si l'opérette a atteint un statut international, la zarzuela reste, pour le moment, très Espagnole, avec peu d'incursions au delà des Pyrénées.
En allant, le 15 février 2008, assister à la première d'une nouvelle production de «La Generala» d'Amadeo Vives (grand compositeur Espagnol, qui mérite la reconnaissance internationale), nous nous sommes trouvés devant l'évidence que ce moment de «l'internationalisation» de la zarzuela n'est pas loin.
Emilio Sagi, metteur en scène Espagnol (avec une carrière internationale bien reconnue par le millieu lyrique, et actuellement le directeur artistique du Teatro Arriaga de Bilbao), s'est démontré non seulement un spécialiste du genre, mais un génie de créativité au meilleur de sa forme.
L'attente était énorme sur ce retour du créateur au Teatro de la Zarzuela de Madrid, maison qu'il a dirigé pendant dix ans, et le succès ne s'est pas fait attendre.
«La Generala» est per se une composition musicale de grande beauté, mais le libretto de Guillermo Perrín et de Miguel de Palacios, malgré une qualité littéraire assurée, peut laisser place à une mise en scène sans grand relief. Emilio Sagi a su en tirer un hymne à la vie et à l'Amour!
Le metteur en scène est aussi l'adaptateur de l'oeuvre, en rajoutant des textes qui donnent à «La Generala» de la fluidité et de la contemporaineité (chose qui manque presque toujours aux mises en scène des opérettes données en France, qui sont souvent le “cadeau de Noël pour les grands-mères” qui nous font les Grands Théâtres Lyriques).
«La Generala» d'Emilio Sagi est brillante (dans tous les senses du mot), généreuse, sensible, joyeuse et amusante, dans une action qui développe en totale harmonie texte parlé, chant, musique et numéros dansés.
Daniel Bianco, complice absolu de Sagi, crée une scénographie magique bien mise en évidence par les lumières d'Eduardo Bravo. De l'intérieur blanc du palais d'une monarchie décadente et en exile du premier acte, au carroussel et jardin du second, tout est pensé pour envelopper cette «Générale» du plus merveilleux “papier cadeau”. L'habillement est complété par les costumes de Jesús Ruiz, qui pourraient parfois paraître presque excessifs, mais qui sont tottalement en accord avec la mise en scène d'une génialité déjantée de Sagi.
Tirons aussi notre chapeau à Nuria Castejón, qui a chorégraphié avec brio son équipe hétérogène de danseurs-figurants, et qui fait aussi danser choeur et solistes avec élégance et naturel.
Dans le rôle titre de cette zarzuela nous avons vue une Carmen González taillée sur mesure pour incarner Berta de Tocateca. Et même si parfois elle paraissait éssouflée dans certains moments chantés, elle a assuré avec rigueur et expressivité, tant vocalement que dramatiquement. A ses côtés Ismael Jordi, en tant que Prince Pío, apporte la lumière et la beauté à laquelle il nous a habitué, parfaitement équilibré à son chant extraordinaire, qui nous dit qu'il est un des plus grands ténors de sa génération, et que nous souhaitons voir et écouter dans les plus grandes scènes internationales. Sonia de Munck, la Princesse Olga, illumine l'acte II, avec sa présence gracieuse, et même si ses aigües paraissent parfois un peu stridents, sont interprétation est divine. Divine est aussi sans doute l'adjectif adéquate pour parler de la prestation d'Itxaro Mentxaka, qui est une Reine Eva débordante d'humour et d'énergie, et qui en plus d'un travail d'acteur excellent est une chanteuse magnifique. Très bien aussi les Rois de Luis Álvarez (Cirilo II) et de Miguel López Galindo (Clodomiro V), d'une grande dignité et d'un grand comique, aussi bien que le Géneral Tocateca de David Rubiera, excellent en mari amoureux et naïf, capable de tout pardonner à son épouse manipulatrice d'hommes, si bien illustré dans la chanson de l'arlequin. Il faut aussi saluer Enrique Viana dans le rôle de Dagoberto et Richard Collins-Moore dans le rôle parlé de Guanajato, tous deux très drôles, même si parfois Viana n'était pas facile à entendre, surtout dans ses commentaires géniaux du premier acte.
Le choeur du Teatro de la Zarzuela a aussi interprété avec grand rigueur les quelques petits rôles qui demande l'oeuvre, et crée des moments chorales de grande expressivité dramatique et beauté vocale.
L'orchestre de la communauté de Madrid, titulaire du Teatro de la Zarzuela dirigé par José Fabra, nous a offert la délicieuse musique d'Amadeo Vives, sans enlever le protagonisme à ce qui se passait sur scène, dans un accompagnement permanent et complice, jusqu'à l'explosion finale qui laisse à n'importe quel néophyte ou expert l'envie de revenir.
Ne vous inquiétez pas si Madrid vous semble un peu loin, puisque «La Generala» sera sur scène au Théâtre du Châtelet de Paris à partir du 27 mai 2008.
A ne pas manquer!

«La Generala»
Du 15/02 au 16/03
Teatro de la Zarzuela, Madrid

Thursday, February 21, 2008

LA COUPE DE L'AMOUR ET DE LA MORT



«Tristan und Isolde», la septième et sûrement la plus célèbre des opéras de Richard Wagner, est revenue à la scène du Teatro Real de Madrid pour cette saison 2007-2008, pour dix représentations d'exception, sous la direction théâtrale du catalan Lluís Pasqual.
Pour cette histoire d'amour universelle, Lluís Pasqual a choisit de situer temporalement chaque acte dans une époque différente. Le premier acte, à bord du bateau, se situait au XIIIème siècle, époque de l'origine du mythe qui a donné naissance à cet opéra; le deuxième acte, dans le jardin, au XIXème siècle, quand le compositeur a écrit l'opéra; et le troisième et dernier acte, dans ce que pourrait être un hôpital du XXème siècle. Ces évolutions chronologiques contribuèrent à l'intemporalité de l'oeuvre.
Pour cela le metteur en scène a demandé la collaboration de deux artistes bien connus de la scène lyrique: Ezio Frigerio et Franca Squarciapino. Mais si l'astucieuse scénographie de Frigerio était magnifique et donnait autant de cohérence comme d'espace à l'imagination de l'oeuvre, les costumes de Squarciapino n'étaient que complémentaires au travail du scénographe, sans démontrer une grande inventivité. Surtout dans l'acte «moderne» où les «fringues» entre militaire, hospitalier, et excéssivement informel (Isolde avait l'air d'avoir oubliée de mettre son costume et de venir sur scène en survêtement, comme si c'était pour une répétition), contrastèrent avec la puissance scénographique, théâtrale et musicale.
Cette puissance musicale, emblème de l'écriture wagnérienne, était évidemment à l'honneur avec l'interprétation de l'orchestre titulaire du Teatro Real, capable de transmettre, sans défaut, la beauté de cette musique. Malheureusement la direction de Jesús López Cobos sur cette partition n'a pas été toujours la plus appropriée, la conduisant quelques fois trop lentement et souvent avec un tel volume sonore que le public se demandait si les chanteurs étaient des acteurs d'un film muet. Si Wagner a proposé une musicalité pleine de contrastes, à López Cobos, si précieux dans d'autres registres, lui a manqué, cette fois, la subtilité de les restituer en finesse à une oreille sensible et connaisseuse.
Jeanne-Michèle Charbonnet a été une Isolde généreuse, engagée dès le début de l'oeuvre à son personage tourmenté, l'accompagnant avec grande vigueur vocale dans ce parcours initiatique d'amour et de mort. A ses côtés brillait le Tristan de Robert Dean Smith, d'une grande sensibilité interprétative et santé vocale. Alan Titus était un Kurwenal sans ambigüités, juste et avec une force vocale capable de surmonter le trop fort volume de l'orchestre. La tonicité contrastante de ses interventions pendant l'Acte I ont donné place a une richesse plus robuste dans le IIIème. Brangäne, chanté par la mezzosoprano japonaise Mihoko Fujimura, malgré sa superbe interprétation vocale a déçu dans son apport théâtrale, pas très convaincant. Sa gestuelle déclamatoire: les bras ouverts en croix et son rapport presque toujours trop frontal, parlaient d'une attitude théatrale un peu démodé et peu adéquate a cette mise en scène contemporaine.
La basse allemande René Pape a été un Roi Marke d'un grand raffinement vocale et interprétatif, extraordinaire dans la beauté de son chant et dans la noblesse de l'expression de ses sentiments, face à la trahison d'abord et à la compréhension en suite, de son bien-aimé neveu, Tristan. Alejandro Marco-Buhrmester s'imposait par sa présence digne, même dans le petit rôle de Melot, et donnait envie de le voir et entendre dans des rôles plus protagonistes. Ángel Rodríguez et David Rubiera étaient les uniques voix espagnoles de cette production, dans les rôles mineurs de berger et de timonier, rôles joués et chantés avec justesse et engagement, malgré son caractère bref.
Entouré d'une telle équipe, la mise en scène de Lluís Pasqual ne pouvaient être plus riche encore, et les presque 5 heures de cette oeuvre, si elles ne se passaient pas plus vite, au moins étaient appréciés à juste titre, même par un public néophyte. Pasqual nous a laissé sa vision de cette grande oeuvre du répertoire, qu'au-delà de personnelle, passionnelle, Allemande ou Européenne, restait universelle et accessible, par les valeurs qu'elle véhicule: l'Amour, le Eros grec de la Création, et la Mort, passage vers l'inconnu, étape de la sagesse Boudhiste, qu' intéressait tant Wagner.


Teatro Real de Madrid

Saturday, September 22, 2007

BECKETT EN LSF* ET MUSIQUE


« Play back: Les Berceuses » est une de ces pièces atypiques où se mélangent danse, musique, vidéo, théâtre et… langue des signes.
Pendant une heure, Lucie Lataste (danse, langue des signes, écriture), Eugénie Ursh (violoncelle, compositions) et Romain Quartier (illustrations sonores et super 8) – sans que déméritent la régie son et super 8 de Jean-Pierre Santos et la création lumière de Stéphane Rouaud – nous plongent dans un univers largement inspiré de l’œuvre de Samuel Beckett.
Un univers un peu sombre, mais qui petit à petit gagne en brillance, toujours plein d’une beauté généreuse et sensible.
Mais la spécificité de ce « Play back: Les Berceuses » de la Compagnie Groupe Go (et du travail de Lucie Lataste) est l’envie de rendre accessible le spectacle vivant aux Sourds (vous vous imaginez qu’un Sourd allant voir une pièce de théâtre traditionnel, tirera probablement peu d’un spectacle majoritairement basé sur la communication verbale !), mais aussi de rapprocher les Entendants à une Langue et Culture aussi riches que celle des Sourds.
Et chapeau !
Par tout simplement la distribution de ballons de baudruche avant le spectacle et avec l’indication de les gonfler et les tenir entre les mains, la Compagnie Groupe Go propose de ressentir les vibrations de la musique, partie qui a autant d’importance pour le spectacle comme la partie visuelle (danse, langue des signes, vidéo…).
Et si vous connaissez rien à la LSF*, ne vous inquiétez pas et laissez vous prendre tout simplement par la beauté du geste.

*LSF: Langue des Signes Française

« Play back: Les Berceuses »
Compagnie Groupe Go & Alef Production
Du 18 au 29 Septembre 2007, 21h
Au Théâtre du Grand Rond, Toulouse

http://www.groupe-go.blogspot.com/
http://grand.rond.free.fr/

Wednesday, September 19, 2007

ROUILLE MÉTAPHYSIQUE


«La Rouille», qui porte le sous titre «pièce bavarde pour un danseur en chute libre», est exactement cela : un solo/monologue bavard.
Entre théâtre et danse, Adolfo Vargas, concepteur et interprète de ce «bavardage», apprivoise sans hésitation les textes de Philippe Saule, pour faire un bilan de la fin de la vie du danseur.
«La Rouille» est un moment autobiographique d’une grande sincérité. Parfois tellement personnel que nous nous sentons presque des intrus face à cette révélation de l’intime. Mais tellement bavard que cette impression se dissout pour laisser place à la compréhension, parfois l’amusement, parfois l’ennui, parfois la conscience d’être des spectateurs cruels et exigeants (trop ?) – comme nous dit l’interprète.
Dans une mise en scène de Isabelle Saule, partenaire d’Adolfo Vargas au sein de l’Association Manifeste, compagnie toulousaine, «La Rouille» nous fait accompagner Adolfo dans son récit acide, parfois d’une grande pertinence, souvent tellement métaphysique que nous nous perdons et chutons peut-être aussi avec lui, dans ce parcours tumultueux d’une vie dédié à la danse !
Si au début nous ne savons pas à qui Adolfo parle, perdus dans son regard perdu, «la garrapata» nous accroche par la suite, avec son face à face avec la mort, sa recherche des «bureaux de la culpabilité» (parcours du combattant au sein de la bureaucratie française), son essai virtuel (et vertueusement comique) d’être chanteur, de changer de métier.
«La Rouille» ce n’est pas une pièce jeune (elle ne veux pas l’être), mais un témoignage touchant du combat d’une vie, pas n’importe laquelle, mais celle du danseur, d’un danseur. Un danseur fatigué, mais infatigable, dont le corps vieillissant veux s’arrêter, mais qui ne pourra jamais s’arrêter, dont les idées veulent se poser, mais il ne les laisse pas, et nous emmène ainsi dans son tourbillon infini de souvenirs, de rêves, le passé, le présent et ( ?) le futur ( ?) – Il attend la mort, qui n’est peut-être (nous dit-il) rien d’autre qu’une machine à voyager dans le temps. Tourbillon intime où se mêlent pessimisme, humour, récit, critique social, solitude et abstraction métaphysique.
«La Rouille» est une pièce humaine (même si Adolfo dit être une huître), et dans son humanité qui essaye de «lâcher», de «s’arrêter», continuant pourtant à courir, à bouger, à bavarder, comme seul moyen de subsister, dans 1h10 de spectacle, le 16 et 17 avril 2007 au Théâtre Garonne à Toulouse et le 26 mai à La Herrumbre Auditorio de Tenerife (Espagne).

http://www.cdctoulouse.com/
http://www.theatregaronne.com/

Contact de la compagnie : assomanifeste@free.fr

AVOIR OU PAS AVOIR: MANIFESTE LA QUESTION !


Les 29, 30 et 31 mars 2007 à la MJC Roguet et dans le cadre du jeune festival «Pas de Danse ?» le public toulousain a pu redécouvrir la création «Avoir» de la compagnie Association Manifeste.
Création de 2005 pour quatre interprètes et vidéo, qui avait été créée au Théâtre des Mazades, «Avoir» est comme un bon vin, puisque deux ans après, cette pièce chorégraphique a mûrie et gagné en «saveur».
Son caractère de «sensibilité de l’approche» et son propos qui concerne directement le public, a sans aucun doute été mis en valeur par la proximité que cette salle implique.
«Avoir», interprété admirablement par Michel Vergnes, Alessandro Sabatini (qui remplace Claire Rivera de manière totalement convaincante) et par les chorégraphes eux-mêmes : Isabelle Saulle et Adolfo Vargas, est une pièce qui parle de notre société de consommation.
Ce duo franco-espagnol de chorégraphes n’hésite pas à traiter le sujet avec beaucoup d’humour, sans pour autant lâcher la pertinence du propos.
De la femme d’affaires qui se transforme en gogo girl déchirée, à l’homme qui devient le chien soumis d’un maître malveillant, pour se redresser et crier «Ça va pas ?! Vous faîtes du n’importe quoi !» ; des «passages de modèles friperies» au délirant moment des «gestes de marques» où chaque interprète représente en mouvement des marques publicitaires de notre quotidien (de Nestlé, Dior et Ikea, à Heineken, Leroy Merlin, Adidas et Coca-cola, entre autres), cette compagnie toulousaine réussit un tour de force sur un sujet contemporain qui nous concerne tous. Et tout cela amené de façon intelligente et convaincante, que malgré quelques petites longueurs, fait que même un public peu habitué à la danse contemporaine est pris par ce spectacle où la pluridisciplinarité règne.

http://www.mjcroguet.com/

Tuesday, September 18, 2007

LA CHALEUR QUI VIENT DU FROID


Le vendredi 23 mars 2007, nous avons pu voir la compagnie finlandaise de Tero Saarinen au Festival Tendances, festival de danse contemporaine en Gironde, organisé par l’IDDAC.
Le spectacle a eu lieu à la salle de l’Ermitage, Le Bouscat, près Bordeaux.
La Tero Saarinen Company a présenté 3 pièces chorégraphiques : «Westward Ho !», un trio masculin, «Wavelenght», duo et «Hunt», le célèbre solo dansé par le chorégraphe lui-même.
Tero Saarinen est un chorégraphe du mouvement, la virtuosité habite les corps qu’il met en scène, mais la virtuosité de ce chorégraphe est celle d’arriver à marier une danse fluide à l’infini avec une sensibilité esthétique et une profonde démarche poétique. «Westward Ho !» témoigne parfaitement de cela : un vrai «poème dansé» (comme il est dit dans le programme), où les trois danseurs partent d’une chorégraphie minimale répétitive à l’unisson, tel corps de ballet/êtres humains contraints à effacer leur individualité face à un monde de clonage, pour, petit à petit, dans la fatigue et l’ennuie du «tous pareils», se réveillent les individus, pleins d’une fragilité riche, qui nous parle vraiment de l’essence de l’Humanité.
Les danseurs excellent dans les interprétations, parfois étranges, du mouvement qui nous hypnotise et enchante.
«Wavelengths» est un duo qui parle du couple, à travers le fluide continu, signature de cet artiste chorégraphique finlandais, qui amène ses danseurs à évoluer dans le «désir désespéré et timide des hommes d’être aimés».
Il faut aussi faire référence au travail époustouflant des lumières de Mikki Kunttu et des costumes de Erika Turunen et du chorégraphe lui-même (dans le trio), qui a un rôle fondamental à démarquer un territoire esthétique d’exception, et très différent de ce que nous pouvons assister normalement en France.
Last but not least : «Hunt», le solo devenu mythique, sur la partition du «Sacre du Printemps» d’Igor Stravinsky, «crée en 2002, en collaboration avec l’artiste multimédia Marita Liulia pour la première biennale de Venise».
C’est dans ce solo que nous goûtons à la virtuosité et intelligence sensible du corps de Tero Saarinen, non seulement en tant que chorégraphe, mais en tant que danseur interprète.
Dans une danse sensuelle et sauvage, Tero est l’interprète ultime de «l’élu», à la fois maître et victime du Sacre (que nous avons l’habitude de voir entouré d’un chœur de danseurs), comme une bête traquée et chassée par la partition musicale, il a le don de remplir la scène à lui tout seul, et l’audace d’oser une vision très personnelle.
Avec le soutien du travail multimédia et photographique de Marita Liulia, qui accentue le caractère cyclique des saisons de la vie, et les lumières de Mikki Kunttu qui témoignent la beauté violente du propos, Tero Saarinen est le Dieu Cerf sacrifié, viril et fragile à fois, qui dignement donne sa vie pour féconder la terre pour que sa tribu (l’Humanité) puisse subsister.

La Tero Saarinen Company impressionne par sa qualité et ses propos universels, et nous ne nous étonnons pas de lire que «Tero Saarinen figure au rang des plus grands chorégraphes et interprètes dans le monde. Entre danse jazz, ballet classique, danse contemporaine et butho, son travail chorégraphique est unique.».

14ème Festival TENDANCES
du 13 au 30 mars 2007
dans plusieures salles de la Gironde
Informations : 05 56 17 36 36

http://www.iddac.net/

http://www.terosaarinen.com/

Friday, September 7, 2007

LA VIE AGITÉE DE L’OURS OTTO-ALAMO


Les 15 et 17 mars 2007, le public toulousain a eu le plaisir de pouvoir découvrir le spectacle «Otto», création jeune public (à partir de 7 ans et sans limite d’âge) de la compagnie tarbaise Théâtre de la Bulle.
Inspiré du livre de Tomi Ungerer «Otto – autobiographie d’un ours en peluche», ce spectacle pluridisciplinaire c’est que du bonheur !
Les comédiens (qui sont beaucoup plus que des comédiens) Monique Huet, Nathalie Lhoste-Clos et Éric Février, avec l’étroite complicité de Laurent Aranda à la régie, nous font voyager dans les souvenirs d’Otto, l’ours en peluche, souvenirs qui sont aussi ceux de l’Humanité.
Dans une mise en scène qui mêle marionnettes, jeu théâtrale, bruitages, vidéo et même de la chanson et de la chorégraphie, «Otto» est un spectacle complet qu’en plus d’une histoire pour le jeune public, est aussi une magnifique façon d’introduire l’Histoire contemporaine (l’action commence à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale) à nos enfants – et de la rappeler à nos adultes.
«Otto» est une leçon d’Humanité, un récit bouleversant qui nous amène du rire aux larmes, et finalement au bonheur de croire (à nouveaux ?) à l’amitié et aux rêves d’un monde meilleur.
Les membres de la compagnie Théâtre de la Bulle ont à leur honneur de présenter un spectacle émouvant, intelligent et pertinent, qu’en plus de raconter une belle histoire, passe aussi un message social et éducatif de haut niveau, qui a toute sa place dans le contexte sociopolitique de nos jours.
«Otto» a été présenté dans le cadre de «LE BAZAR AU BAZACLE» «60 jours de représentations artistiques» qui ont lieu sous chapiteau au Parc des Sports du Bazacle, à Toulouse.
Beaucoup d’autres spectacles à venir : Musique, théâtre, danse, cirque, films, théâtre équestre, spectacles jeune public, bal, expos et rencontres-débats, qui se déroulent du 27 février au 22 avril 2007.

BAZAR AU BAZACLE
Parc des Sports du Bazacle
1, impasse du Ramier des Catalans
Toulouse
Tel. : 05 34 44 93 46

Et si vous n’étiez pas parmi les chanceux à avoir pu être spectateurs de «Otto», soyez attentifs, puisque la compagnie Théâtre de la Bulle le donnera sans doute à Toulouse à nouveau très bientôt !

Thursday, September 6, 2007

LA (jeune?) DANSE EST UN SPORT QUI SOUFFRE (et ennuie !)?


Ce dimanche 11 mars 2007 a eu lieu au Théâtre Municipal d’Albi le concours Solo Mio, tremplin danse organisé par l’Athanor, Scène Nationale d’Albi et le Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse/Midi-Pyrénées, qui permet à des jeunes chorégraphes de présenter au public et à un jury de professionnels leur première création.
Le jury cette année était composé de Mark Tompkins, chorégraphe de la compagnie IDA et émérite personnage franco-américain de l’improvisation en danse, qui en été à juste titre le président, Danièle Devynck, conservateur du Musée Toulouse-Lautrec à Albi, Nathalie Auboiron, chargée de mission danse de l’ADDA du Tarn, Jean-Jacques Mateu, metteur en scène de la Petit Bois Cie. et Aurélie Savy, étudiante au CUFR Jean-François Champollion à Albi, représentant le public.
Le rideau s’ouvre sur Carla Macau, 23 ans, candidate catalane présentée par l’Institut del Teatre de Barcelone, qui danse «UVA», chorégraphie de Miquel Barcelona. Pendant 13 minutes Carla interprète une danse d’objets, qui comme elle, gigotent sans raison apparente. Une jolie danseuse qui a bien exécuté ce que l’on a demandé. Malgré la belle image de début, «UVA» n’est que ça : des successions d’images sans fil conducteur, sans logique, sans fluidité… des subterfuges pour une danse académique qui se base sur une théâtralité exagérée et démodée. «UVA» («raisin» en français) prends son titre des raisins que l’interprète mange, sans qu’on comprenne pourquoi, à la fin de ses 13 infinis minutes d’une inintéressante chorégraphie.
«JAMAIS DES JAMBES», chorégraphié et interprété par Jung-Ae Kim, coréenne de 24 ans établie à Paris, nous montre une danse dense, peut-être un peu longue (15 minutes), mais qui a des choses à dire. Jung-Ae propose une fluidité de mouvement et une théâtralité qui permettent de lui attribuer une filiation dans les courants de la danse contemporaine française (Jung-Ae, danse, entre autres pour Odile Duboc/CCN de Franche Comté, et a fait la formation ex.e.r.ce du CCN de Montpellier/Mathilde Monnier). Une jeune chorégraphe potentielle, qui malgré un choix de costume minimaliste (et peut-être pas le meilleur) affirme sa présence, mais qui apparemment n’a pas marqué le jury.
Ce suit «AVEX KIALA», petite bouffée d’air frais «à la française», chorégraphié et interprété par Lucie Lataste, toulousaine de 28 ans, qui nous apparaît comme une Amélie Poulain de la danse, et qui pendant 13 minutes nous propose une chorégraphie gestuelle. Cela est intéressant, malgré une esthétique un peu vieillit (et qui se veux intemporelle), mais le propos (la danse est développé à partir de la langue des signes) n’évolue guère, et ça reste dans une agitation ou l’énergie est la même du début à la fin.
«TAUREAU – EN QUÊTE D’UN AUTOPORTRAIT» de la chorégraphe et interprète turque Özlem Alkis, 29 ans, encore une candidate institutionnelle, cette fois du CNDC d’Angers, est une déambulation nonchalante où nous avons l’impression que l’action se passe surtout dans la tête d’Özlem, puisque au public manquent des pistes pour comprendre, ou même être captivé par cette gestuelle fluide mais inaccessible.
«THE FUCKING PART» met en scène Yann Gibert, seul chorégraphe et interprète du sexe masculin à se présenter au Solo Mio. Ce jeune danseur français de 25 ans, habitant le Portugal, fait une proposition originale (la seule de cette édition de Solo Mio !) avec son «THE FUCKING PART». Pendant 9 minutes il nous suggère par la parole les mouvements qu’il pourrait faire, avançant et reculant dans l’espace et ce plaçant toujours dans la même position, debout face à nous. Si au début, à la surprise initiale se suit le questionnement ok, et alors, où tu veux en venir ? on termine par se laisser emballer par la magie de la suggestion des mots et on «voit» Yann danser. D’autant plus qu’à la sensation d’être pris au piège initiale, se suit l’amusement de cette performance culotté où ne manque pas l’humour. Au moins nous aurons pu apprécier une proposition aboutie, même si le vocabulaire n’était pas celui de la danse, mais était sans doute celui du corps, et du langage le plus contemporain de la soirée !
Mais le jury a décidé autrement et c’est Sara Martinet, toulousaine de 24 ans qui a été la lauréate de cette édition de Solo Mio, avec son «LE BAIN». Ce «BAIN» commence avec l’angoisse de la danseuse exprimée pitoyablement par des phrases au sol qui auraient pu être des exercices pris de n’importe quel cours de danse contemporaine… Sara, une interprète du mouvement, danse ses révoltes prenant son corps comme bouc émissaire, caché derrière un visage inexpressif qui se cache à son tour derrière ses cheveux. Une danse souffrante qui nous rappelle quelques chorégraphes des années 90. Le manque d’originalité de cette chorégraphie s’aggrave avec l’utilisation scénique de la baignoire (cachée derrière un tissu au début, que la danseuse/chorégraphe enlève pendant un noir fait exprès pour cela, et qui marque la 2ème partie de la pièce). Cet objet devient, nous ne savons pas pourquoi, puisque le début ne laissé prévoir rien en rapport avec «LE BAIN» (malgré le titre), le centre de toute action, et si Sara l’utilise de façon virtuose, cela ne suffit guère, puisque la succession de mouvements et d’images ne priment point par son originalité… même le moment d’humour (que nous dirons : malgré la volonté de Sara) est vécu avec gravité - les lunettes de piscine, suffisent peut-être à faire rire le public, mais surtout pas à affirmer une nouvelle donné chorégraphique ou dramaturgique. Si «LE BAIN» de Sara Martinet n’était peut-être pas la chorégraphie la moins intéressante de cette édition du Solo Mio, elle n’était pas non plus, ni du point de vue de la chorégraphie, ni du point de vue de l’interprétation, ni du point de vu de la recherche du mouvement, ni du pont de vu de l’originalité de propos, la création la plus contemporaine, pertinente, originale ou aboutie de la soirée.
Restent à questionner les paramètres de sélection (et présélection) – nous avons du mal à croire que ce tremplin réunissait un échantillon représentatif de la jeune création française ou européenne !



Tuesday, September 4, 2007

GOING BANANAS… ou les fruits d’un désir inachevé


Le 1er et le 2 mars 2007, à 20h30 au Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse, la Todaycompany présente «A banana is a banana», solo de danse-théâtre interprété par Brune Campos.
Dans une mise en scène de Gertjan van Gennip, éclairée par Françoise Libier, nous assistons pendant 50 minutes à une humanité nue, crue et franche, qui évolue dans ses cycles de vie répétitifs…
Une femme en talons, peu habillée, avec un «Love» poilu autour du cou, rentre dans un espace de proximité… ou presque… un espace vide… ou presque… son univers minimaliste et précis est composé de bananes, qu’elle récolte minutieusement, précieusement, avec une espèce de cageot/sac à main et une faucille.
Elle est heureuse, ou du moins c’est ce qu’elle dit… «La journée est belle» nous dit-elle en anglais… nous parle t’elle vraiment ? Sont regard tournoyant sur ses hauts talons, comme son corps, à moitié nu, ne nous fixe pas des yeux… comme un «oui, ça va et toi ?» mécanique, que nous répétons tous les jours en société… et puis elle a ses bananes : les manger la rend heureuse – malgré son expression neutre et vague, comme si elle voulait convaincre l’univers d’une joie fugitive… les comptabiliser rend les journées belles, dans un jeu d’individualisation d’objets où on sens naître la satisfaction… mais «Love» n’est jamais content : il «wants more» !? Il ne le dit pas… cette dépouille de «Love» reste silencieuse et manipulatrice.
Brune Campos maîtrise son environnement dans cette forme déstabilisante de spectacle, répétitive mais intrigante, où on pourrait discerner une démarche à la Composition en Temps Réel.
Une performance sans faille qui nous interpelle, nous questionne, nous parle de l’humanité, de l’homme et de la femme, de la recherche du bonheur, des apparences, des rapports de manipulation social et intime, de sexe, de l’insatisfaction, de la soif de pouvoir… une pièce vraiment contemporaine et plus actuelle que jamais, dans notre contexte sociopolitique.
Il y aura ceux qui ne verront peut-être qu’une récolteuse de bananes… mais si en bon portugais on sait qu’une banane (= uma banana) c’est simplement un fruit, on saura qu’un banane (= um banana) c’est un «bon à rien», un «mou», peut-être alors notre imaginaire pourra s’épanouir d’avantage.
Gertjan van Gennip nous invite à 50 minutes d’une forte théâtralité, qui frôle souvent le comique, mais qui surtout touche là où ça dérange, avec une incroyable interprétation/création de Brune Campos, qui se met à nu dans cette danse («République») des bananes… et en plus, cerise sur le gâteau : à la fin vous pourrez déguster à ces objets (de désir) artistiques, en mangeant quelques bananes (ce sont des bananes qui ont vécu !) en parlant avec les artistes.
De la jeune création juste et pertinente, qu’il faut soutenir.
Ce premier solo de la jeune Todaycompany est un début prometteur (d’autant plus exportable, puisqu’il est en anglais) : espérons les revoir bientôt sur les planches.
Credit Photographique: Anne Gieysse

SOYEZ ZIGUE!


Du 6 au 24 février 2007 nous avons pu nous laisser «posséder» par l’esprit ZIGUE qui nous a laissé Armand Maréchal – quoi ? vous ne le connaissez pas ? shame on you ! – au Théâtre du Fil à Plomb, à Toulouse.
Autour d’un verre de Fraskati (recette secrète appartenant à la famille Zigue), nous rentrons dans un espace de glamour/humour, accueillis à bras ouverts par les différents membres héritiers de l’esprit Zigue.
La bande de Zigue, composée de 6 artistes de talent, pluridisciplinaires, multifonctions et surtout extravagants et décalés à souhait, nous emmène dans un voyage auquel il est impossible de rester insensible.
Sketches avec l’accent du coin, des chansons, des numéros sexy (une danse avec une chaise, en occitan !), du grand théâtre (avec Roméo et Juliette – et si un enfant était né de cette union ? seriez-vous prêts à le découvrir ?), et même de l’opéra ! Mais surtout beaucoup de convivialité en hommage à cet homme qui a changé le Cabaret à la française à jamais ! ;-)
La soirée ZIGUE ZIGUE est un événement à ne pas rater !
QUOI ???!
VOUS L’AVEZ RATÉE ???!
SHAME ON YOU !
Priez pour que ça revienne rapidement à l’affiche sur toutes les scènes de la France entière, ou sur vous tombera la malédiction ZZZZZZZIGUE !

http://lefilaplomb.free.fr/

Wednesday, August 29, 2007

BEAUTÉ ÉTRANGE


Le 2 et 3 février 2007 le Festival «C’est de la Danse Contemporaine» a eu l’honneur d’accueillir au Théâtre Garonne les dernières représentations de «Régi» de Boris Charmatz.
Cette pièce, pour 3 interprètes et 2 machines commence par installer une ambiance d’angoisse curieuse, comme une promenade en forêt la nuit, ou un film d’horreur.
Dans une presque pénombre une machine fait son travail, jusqu’à amener vers soi des corps inertes, avec lesquels se délivre à une danse insolite d’ascension et descente.
Cette danse est continuée par Raimund Hoghe, dramaturge, écrivain, metteur en scène et chorégraphe bien connu de la scène actuelle, qui prête cette fois-ci son corps étrange à l’interprétation.
Finalement libérés, les 2 corps se séparent (ont-ils jamais été vraiment ensemble ?), et Julia Cima, que le public toulousain a pu voir dans la dernière édition du même Festival avec l’époustouflant «Visitations», est absorbée par l’autre machine, qui l’oblige à une danse de chute, dont elle est la «victime consentante», et qui nous offre une esthétique du corps indépendante de sa volonté. Encore un tour vertueusement conceptuel joué par Boris Charmatz, enfant terrible de la danse contemporaine française.
Entre-temps il se libère aussi de ses vêtements, et c’est dans une danse minimaliste d’intimité entre les corps si différents de Boris et Raimund que «Régi» prend son sens.
La sensualité humaine de ces corps masculins nus en avant scène, l’un d’une beauté classique, l’autre d’une esthétique étrangère (d’exclusion ?) à notre «société de perfections», contraste avec la violence machinale à laquelle est soumis ce corps féminin vêtu de noir en fonds de scène.
Si dans «Régi» Boris Charmatz revient «à un dispositif plus traditionnel», le résultat est loin de l’être, et cette pièce est une expérience bouleversante où (comme dit le programme) «Une fois de plus en marge des démarches convenues, Boris Charmatz traque la chorégraphie dans des zones inconnues où le corps, nostalgique d’une présence perdue, lâche un peu de son histoire la plus enfouie.».
Credit photographique : Alexander Wulz

EMBRYON EN CAGE


«Dromos», création biannuelle de Philippe Combes, chorégraphe de la compagnie toulousaine Cave Canem, a été présenté le 1er et le 2 février 2007 au Centre de Développement Chorégraphique, dans le cadre du Festival «C’est de la Danse Contemporaine».
«Dromos 1 & 2», comme son nom indique, est un diptyque : deux soli interprétés impeccablement par Delphine Lorenzo.
Dans le 1er volet, déjà présenté au public toulousain lors de la dernière édition du Festival CDC, l’interprète habite une structure métallique placée au fonds de scène, recouverte d’une «membrane verticale», écran où se fait la projection vidéo.
On y observe une espèce de naissance d’un être qui se contorsionne spasmodiquement.
Malgré une certaine longueur, ce solo se tient, surtout grâce à la vivacité de cette nouvelle interprète – nous trouvons que l’énergie amenée par Delphine Lorenzo fait revivre ce solo, vis-à-vis de la présentation de l’année dernière.
Les lumières de Patrick Riou sont aussi d’une grande pertinence, parfois d’une grande finesse, d’autres fois d’un caractère cru, qui correspond bien à l’esprit de la chorégraphie.
La vidéo de Cécile Babiole, par contre, est d’un répétitif ennuyeux, qui à part servir de base numérique, ne transmet pas grand-chose.
Cet ennui nous poursuit dans le second volet, où le corps se dégage de son cocon, pour découvrir que cette liberté est encore plus contraignante. Une jolie allégorie, mais qui nous laisse impassibles et/ou impatients par son traitement du mouvement, certes pas inintéressant, mais trop long.
«Philippe Combes s’attache une fois de plus à la substance première du corps porteur de tous les possibles et de toutes les couleurs», nous dit le programme. L’abstraction dans laquelle Philippe Combes choisit de travailler – malgré le corps (bien) humain dénudé et l’énergie animale – nous laisse insensibles à «tous les possibles» et «toutes les couleurs» de son ambitieux propos de la «substance première»…
«Dromos» n’est pas ici une allée menant au temple (conforme à la définition grecque), mais un chemin tortueux et incolore où on se perd, perdant au même temps l’intérêt par le propos chorégraphique.

http://www.cie-cavecanem.com/
http://www.cdctoulouse.com/

MENSONGES, TRUCAGES ET «DÉJÀ VUS»


«Le spectacle dont vous êtes le héros» de la compagnie Androphyne, présence de nos voisins d’Aquitaine au Festival «C’est de la Danse Contemporaine», pourrait bien s’appeler aussi «Le spectacle dont vous êtes la victime».
Dans cette pièce nous trouvons tous les ingrédients pour faire une création très contemporaine : de la musique live de bonne qualité, de l’interaction avec le public,
des interprètes pluridisciplinaires, de la prise d’images en direct, des télévisions, des micros, des belles lumières, du matériel scénographique en grande abondance, du vin (de Bordeaux ?) et même un verre de cidre offert en toute convivialité à la fin du spectacle… mais la recette ne prends pas toujours, et malgré certains moments plus ou moins réussis, «Le spectacle…» dure 1h40 et on s’ennuie pas mal !
Dans une atmosphère assez informelle (qui frôle parfois l’amateur), les jeunes chorégraphes Magali Pobel et Pierre-Johan Suc créent une espèce de patchwork sans queue ni tête, où rien n’est vraiment approfondi, ni développé, et que même une équipe intéressante d’artistes hétérogènes ne peut soutenir pendant l’extrême longueur du spectacle.
Eddy Crampe – musicien – avec Jean-Michel Noël – technicien de talent, même au moment où il faut bouger son corps – et Éric Bernard – comédien multi facettes – ont le mérite de créer des moments musicaux de grande intensité.
Carole Bonneau, malgré son curriculum impressionnant, nous laisse, d’une vague ressemblance avec Victoria Abril, la conviction de que ce n’est qu’une vague ressemblance, puisque Carole n’a décidément pas hérité des talents de comédienne de Victoria. Dans un sur jeu hystérique constant (peut-être est cela fait exprès… alors peut-être qu’une collaboration avec un metteur en scène capable de faire de la direction d’acteurs serait envisageable…), nos regards terminent pour se détourner plutôt vers Anne-Cécile Massoni, l’autre interprète féminine de la pièce.
Anne-Cé (comme l’appellent sur scène ses camarades) est une danseuse sensible, d’une physicalité intéressante et d’une théâtralité juste, que nous trouvons sous-exploitée.
Ivan Fatjo, danseur de grande stature et gestuelle étrange, est celui à qui Magali Pobel dit, dans son unique intervention scénique que «ça va pas», qu’«il faudrait plus de danse» !
Pierre-Johan Suc, au contraire de sa partenaire chorégraphe est plus présent sur scène, mais à part une exception, ces présences laissent très peu de traces sur le spectateur (malgré quelques bonnes idées, aussi sous-exploitées).
Cette exception est Éric Bernard : du début à la fin il a une présence continuellement bizarre, mais pertinente, et son moment de texte au micro reste un des points forts du spectacle. Un texte qui passe du coq à l’âne avec une virtuosité pleine d’humour, et que dans son «non-sens» donne du sens au «non-sens» incongru de cette pièce.
Avec 1h40 pleine de trucages et de «déjà vus», «Le spectacle dont vous êtes le héros» laisse des avis partagés, et l’image d’une jeune compagnie prometteuse, à laquelle nous avons envie d’accorder le bénéfice du doute…
Affaire à suivre…

http://www.androphyne.com/
http://www.cdctoulouse.com/

Tuesday, August 28, 2007

QUARK 5 ÉTOILES


Si dans le panorama actuel du spectacle vivant nous avons l’impression que nous vivons une période de crise, qu’il n’y a rien de nouveau et que les recettes des compagnies de succès s’épuisent : allons découvrir le PROJET DE QUARK !
Collectif toulousain composé par Séverine Astel, Joke Demaître, Sébastien Lange, Renaud Serraz, Thomas Wallet, Romain Mercier et Alexandre Bugel, «comédiens, techniciens, metteurs en scène formés il y a quelques années à l’Atelier de Recherche et de Formation du Théâtre National de Toulouse».
Le 26 et 27 janvier 2007 ils on présenté «Étape #2», à l’issu d’une résidence de création au Théâtre Garonne.
Partant de textes contemporains, De Quark développe un spectacle de génie où il «préfère explorer les marges, les croisements et laisser les spectateurs construire leur propre histoire». Et ça ne rate pas : nous voilà embarqués dans un voyage duquel on ne sortira pas indemne !
Ayant comme partenaires Cisco Berchenko (musicien), Élodie Lefebvre (plasticienne), Sophie Laffont (costumière), Jack (ingénieur son) et Danielle Marchais (administration), De Quark construit un spectacle enveloppant, sensible, intrigant et hilare !
Étant obligés de traverser la scène pour gagner nos sièges, nous apercevons, sans plus, une installation suspendue en hauteur de 4 poupons de taille humaine. C’est après, quand le texte «Glaces» de Thomas Bernhard commence en voix off, qu’on se pose la question si ces poupons à la «May B» (pour le public de danse, une ressemblance entre ce poupons déformes, aux traits vieillis, et l’œuvre emblématique de Maguy Marin est indéniable – mais à part le génie de la démarche, les ressemblances s’arrêtent là), sont une simple installation plastique ou s’ils sont habités ?
Et cela nous intrigue tout le long du texte, qui devient presque un support secondaire qui soutien notre curiosité et concentration, jusqu’au moment où le «marchand de glaces» arrive et les tue un par un.
L’énigme s’éclaircit, mais la sensation de «c’est incroyable !» reste.
Avec des transitions mises en scène et à vue, notre intérêt ne décroît pas, bien le contraire, et le public reste en suspens dans une curiosité concentré qui nous domine tout le long du spectacle.
«Face au mur» de Martin Crimp, met en scène un monologue dialogué, dans la difficulté de l’apprentissage d’un texte (que ceux qui font du théâtre, ou qui l’ont fait connaissent bien), dans ce qui est encore une excellente idée pour nous faire traverser un texte dramatique de façon allégée, créant avec le public une complicité, pour faire revivre la tuerie du collège de Colombine aux Etats-Unis.
Ce suit «Dors mon petit enfant» de Jon Fosse, texte qui pourrait sembler long et lourd, mais qui nous plonge dans un espace intergalactique, où les étoiles sont des indications de sortie, mais d’où on comprend ce n’est pas possible sortir : «On est là depuis toujours…» dit un des comédiens invisibles, «Toujours, ça n’existe pas.» lui réponds une autre… et nous partons à la dérive avec eux, flottant dans ce grand néant sans gravité.
Pour fermer avec clé d’or : «La Fête» de Spiro Scimone, met en scène 3 des comédiens du PROJET DE QUARK, comédiens exceptionnels, que avec des scénographies simples et intelligentes nous embarquent encore avec eux (on les suivrait les yeux fermés !) dans une histoire familiale loufoque, où la mère est à la fois maîtresse dominatrice et dominée, point central de ce triangle mère - père - fils.
L’humour et le jeu des comédiens sont tellement francs, que nous nous trouvons à faire la fête avec eux, inconditionnellement !
La salle était debout (du moins une bonne partie spontanée) pour saluer cette équipe prometteuse.
Une qualité qui mérite les meilleures salles du pays et de l’étranger !
Un talent de génie que nous espérons revoir bientôt sur les planches !
Bravo et bravo encore !

LE CRI INTÉRIEUR DU RÊVE


«C’est de la Danse Contemporaine» est à l’honneur avec la nouvelle création de la compagnie La Zampa : «Dream On – track 03». Une pièce solide, interprété à rigueur par une équipe de 7 artistes multidisciplinaires, signée Magali Milian et Romuald Luydlin.
La danse de ce duo de chorégraphes trouve son originalité en dehors des courants esthétiques et conceptuelles à la mode ; leur gestuelle est fort esthétique mais nourrie d’une force intérieure qui habite tous ses interprètes et qui a le don d’absorber l’attention et la concentration du public.
Le rideau s’ouvre sur des corps allongés dont on ne voit que les pieds, pour petit à petit arriver à discerner une figure debout : Hélène Rocheteau qui entame un solo vertueusement étrange, annonçant la couleur de la pièce. On ne comprend peut-être pas ce qu’il arrive, mais on se laisse prendre au jeu, et on la suit dans «un duel consenti avec le désir de vivre notre dégradation et l’urgence de la saisir» (paroles des auteurs).
Corine Milian pousse des cris, des sons sauvages, pendant que les autres danseurs sont contre le fond du décor, où le temps qui passe malgré nous, est projeté.
Sur une scénographie de Pascale Bongiovanni et des chorégraphes, la vidéo mouvante de Loran Chourrau est projetée. Une vidéo sans couleur qui a plus l’objectif d’illuminer et de poser un décor, dans l’espace et sur les interprètes, telle écriture d’une vie en constante transformation qui se dessine en nous et autour de nous.
Des jeux d’ombres sont utilisés, créant des rapports de coexistence, de pouvoir, de doublure…
Oriane Boyer se pose, et nous impose sa présence de façon sensible mais franche : on ne peut que la regarder.
De ses grands yeux elle nous nargue, regard fuyant, comme son corps surpuissant qui ne faiblit pas une seconde, même quand il se déconstruit brutalement, jusqu’au sens : des armes de feu dont nous sommes les visés, dont son propre corps devient la victime, pour un mouvement chorale d’autodestruction.
Le baiser d’Hélène et Benjamin Dukhan, inattendu et qui dure regrettablement si peu.
Le solo de Romuald Luydlin, qui dans une simplicité apparemment abstraite arrive à nous émouvoir et secouer ; la physicalité toujours incroyablement désarticulée (on se demande de quoi est fait son corps) de Magali Milian.
Comme le fait Oriane Boyer dans son solo, la pièce est menée à coups de bassin/coups de feu, et si le sens n’est pas toujours intelligible, cela ne dérange pas, tellement l’énergie qui nous est offerte sur scène est généreuse.
Benjamin Dukhan, avec son air timide, malgré sa stature physique (un géant à côté des autres interprètes, plutôt de stature moyenne), qui auparavant c’était fait écrasé par l’ombre d’Hélène, amène une pointe d’humour dans son solo époustouflant de physicalité et d’expression, jusqu’à gêner le chœur des autres interprètes qui forment un mur humain devant lui, essayant de nous empêcher de voir sa gestuelle «socialement incorrecte» - qu’on adore !
Sylvain Huc, bel interprète, nous paraît tout de même pas assez mis en valeur, dans un solo qui joue sur l’épuisement d’un mouvement infini et inépuisable ( ?!) qui envahit son corps et tout l’espace, et son double vidéo/ombre qui fait autant.
Pendant ce frénésie, les autres membres de l’équipe rentrent armés de seaux et bouteilles d’eau, pour un grand (presque) final, que malgré peut-être une petite longueur, reste une expérience visuelle à avoir.
«Dream On – track 03» le dernier track à voir de la compagnie La Zampa, compagnie ariégeoise confirmée !
En espérant qu’ils nous fassent rêver longtemps !
credit photographique Erik Damiano
http://www.ipernity.com/home/eedee

LE BACKROOM DE SAMUEL


Le 25 et 26 janvier 2007, au Théâtre National de Toulouse, et dans le cadre du Festival C’est de la Danse Contemporaine a eu lieu la tant attendue première de la création «Go On !» de la Compagnie Samuel Mathieu, qui ouvre de façon peu auspicieuse la participation des compagnies locales dans ce Festival.
«Go On !», après 2 ans de maturation dans les caves du Centre de Développement Chorégraphique et du Théâtre de la Digue, est un cru insipide, pour ne pas dire : qui a mal tourné.
Samuel Mathieu réunit dans cette pièce une excellente équipe de 5 interprètes, qui on travaillé dans ce que la feuille de salle explique être une exploration «du duo au chœur communautaire».
Des duos on voit clairement celui de Anna Rodríguez et Claude Bardouil, qui se pérennise, et peut-être quelques bribes par-ci, par-là, qu’on qualifierait plutôt de rencontres furtives… et du «chœur communautaire», peut-être quelques mouvements que les interprètes répètent à tour de rôle…
«Go On !» est comme un film noir sur l’incommunicabilité, où chacun reste soi même et sans que ça se passe grand-chose.
Comme «US-Band», la création 2005 de la compagnie, «Go On !» reste une pièce fondamentalement masculine, malgré ses 2 interprètes féminines : Anna Rodriguez et Emmanuelle Santos. Anna Rodriguez la première à prendre l’espace (au même temps/en réaction ? au mini duo «carressant» de Emmanuelle et Claude), développe un solo d’une perfection maîtrisé à l’absolu, telle machine, qui arrive tout de même à captiver Bardouil, avec qui le duo «pérenne» est entamé.
Claude Bardouil, interprète délirant, fait son «Le Roi Danse», dans une gestuelle que nous connaissons déjà, et que si saisissante au début, termine pour s’épuiser dans son énergie envahissante, et nos regards, lassés, vont se poser ailleurs.
Jérôme Brabant, fougueux danseur en «US-Band», est ici le Top Model nonchalant et épuisé de cette «Saturday Night Gay Fever», mais aussi celui mis à l’écart, le «masturbateur» de cette «série de duos». Peut-être est-il en duo avec la musique – la bande son pertinente de la responsabilité du même Samuel Mathieu.
Un mot aussi à la lumière et scénographie de Olivier Balagna, qui donne un peu de sens à ce spectacle.
Celui qui reste toujours explosif d’énergie, dans une physicalité époustouflante est Christophe Le Goff, qui par sa présence introduit de la couleur dans le monde noir de «Go On !».
Mais c’est la nouvelle arrivante dans la compagnie, Emmanuelle Santos qui amène du contraste, de la fraîcheur, de la féminité et de la surprise dans cette création, qui a du mal à se débarrasser du poids du «déjà vu… en mieux».
Avec sa présence nonchalante, sa gestuelle étrange, et de son regard pétillant elle donne l’impression de mener la danse, telle maîtresse de cérémonies !
Mais malgré cela, et sa complicité scénique avec Christophe Le Goff, ça ne suffit pas à sauver le spectacle, que quand le noir arrive, nous laisse la sensation d’avoir assister à un grand vide de 50 minutes !
Même les incursions dans le domaine du grotesque (que le chorégraphe aime tant) deviennent ici d’une obscénité provocatrice gratuite qui laisse le public indifférent.
«Go On !» ou «Go On ?»?

Monday, August 27, 2007

LE PÈRE NOËL EST GAY ET LES ENFANTS DE CHOEUR SURDOUÉS


Le mardi 23 et le mercredi 24 janvier 2007, nous avons pu échapper encore une soirée devant la télé grâce au Festival C’est de la Danse Contemporaine (CDC), qui présentait David Flahaut avec son «Presque Ève» au Studio du Centre de Développement Chorégraphique (CDC) de Toulouse, et Les Ballets C. de la B. (Contemporains de la Belgique, pour les néophytes) avec «VSPRS» de Alain Platel et Fabrizio Cassol, au Théâtre National de Toulouse (TNT).
«Presque Ève» habite ce territoire d’incertitude et d’insuffisance, où un corps d’homme investit les stéréotypes d’identité de notre société de consommation.
Du Père Noël aguicheur, qui pèle façon «Cage aux Folles» des patates, jetant les débris de façon provocatrice et affecté, à la «Presque Ève» qui éclot de derrière un mur de magazines «3 Suisses», croqueuse de pommes de terre, pécheresse malgré soi et qui s’adonne à une gestuelle effrénée, qui nous parle nonchalamment de désir.
Cette «Presque Ève» blonde platine de récupération, habillée en petite robe rouge uni face (qu’elle tourne au gré de ses déambulations), n’a pas de tabous (comme toute Ève, en opposition à tout Adam, simplet de nature, qui serait toujours au Paradis sans rien connaître au Monde), et dans son corps désirant et désireux, elle s’engouffre et nous engouffre dans la vision macho-chrétienne de nos propres valeurs d’héritage. Et on comprend peut-être pourquoi il est si difficile à la femme de se libérer de ce poids de pécheresse originale.
Puisque malgré son investissement dans ce corps de désir, corps de plaisir, rapport Soumise-Maîtresse, David Flahaut nous donne un portrait d’un presque épanouissement du corps, dans sa sensualité et sexualité, mais qui sous le poids d’un regard socioculturel avec des siècles de tradition, reste mal compris, triste et seul, tel l’enfant qui n’arrive pas à faire comprendre aux adultes «civilisés» le nouveau jeu qu’il vient d’inventer.
«Presque Ève» a tout de même la faiblesse du «presque», de rester dans l’insuffisance, de passer d’idée en idée un peu trop vite (peut-être est cela un objectif ?), et aussi d’une conceptualité parfois trop intérieure, qui éloigne cette «Presque Ève» de la sensibilité du public.
Et si «Presque Ève» commence par croquer des pommes de terre, «VSPRS» commence par caresser du pain, pour le croquer aussi en suite, dans une sorte de rituel («eucharistique» ? ou de rédemption ?).
Alain Platel réunit encore une fois une équipe d’exception qui donne un spectacle digne des «Vêpres» de Monteverdi (dont la musique de Fabrizio Cassol s’inspire) ou de Rachmaninov.
Une dizaine de danseurs-interprètes, une soprano et 9 musiciens donnent corps, voix et son à cette création des Ballets C. de la B.
Et sur la grande scène du TNT tout se mélange : la soprano Maribeth Diggle s’essaye drôlement au mouvement, pendant que Rosalba Torres Guerrero est époustouflante dans ses apports théâtraux, dans sa chanson «christique» et dans la sobriété de sa danse.
Au niveau mouvement nous nous sommes habitués à que Les Ballets C. de la B. nous montrent des danseurs d’une virtuosité inouïe, et «VSPRS» ne fait pas exception : ces jeunes gens évoluent dans un tremblement présent dès le début de la pièce jusqu’à l’extase explosif et mortel de la fin.
Ce tremblement du corps et des esprits, «leitmotiv» de «VSPRS» est exploité dans bien de ses possibilités : du «je ne sais pas ce qui m’arrive», au frénésie, à la béatitude, à la masturbation, à l’attaque cardiaque…
Dans un décor blanc et douillet, mais non sans danger (espèce de structure d’escalade de Peter De Blieck), «VSPRS» nous offre des successions d’images : de la danseuse avalée par son pantalon et qui s’y contorsionne à souhait, engagé en suite dans un duo circassien et que plus tard essaye de se faire remarquer en faisant des pointes, au danseur qui esquisse des pas classiques tout en se déshabillant, qui plus tard montre une maîtrise théâtrale-vocale dans des phrases désarticulées robotiquement, à une danse des mains ou à la danseuse hyperlaxe qui laisse son corps partir nonchalamment dans tous les sens en espérant qu’on l’a rattrape… il y en a pour tous les goûts !
Même malgré sa longueur (1 heure 40) et ses moments «15 minutes de gloire» où chaque danseur s’adonne trop à une virtuosité devenue gratuite et vide de sens, parce qu’excessive, «VSPRS» reste un grand moment de spectacle vivant «made in» Belgique.
Il nous reste la question : qu’serait-il arrivé si quelqu’un du public avait accepté l’invitation pour monter sur scène, tant de fois répétées par les interprètes ?